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Tribune : Et en même temps, la fin de l’influence française en Afrique

En arrivant à l’Elysée, en 2017, Emmanuel Macron voulait avoir une relation décomplexée avec l’Afrique, refusant, compte tenu de son âge, de porter l’héritage de la Françafrique et du temps des colonies, qu’il n’a pas connues !

Aujourd’hui, devant le recul de Paris dans ses relations avec le Continent, le président français préconise de développer un nouveau narratif face à l’influence de la Russie, de la Chine ou encore de la Turquie, même si malheureusement, il n’est pas toujours utile d’agiter ces oripeaux ou étendards étrangers pour déchaîner la haine de foules dans les rues du continent.

« Ne nous résignons pas à la fracture du monde », « La situation de notre planète accroît nos exigences », « Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, est un retour à l’âge des impérialismes et des colonies » …

Les propos du chef de l’Etat français à la tribune des Nations unies, à New York, le 20 septembre 2022, sont l’illustration de son positionnement pour la mise en place de « nouvelles coopérations » entre les Etats de la planète face aux conflits, au dérèglement climatique et aux pandémies.

A New-York, le locataire de l’Elysée avait ainsi voulu alerter ses homologues étrangers face aux nouveaux défis qui se présentent à eux, notamment le « nouvel ordre » souhaité par les autocraties. Le « nouveau contrat », entre le Nord et le Sud, appelé par Emmanuel Macron, correspond parfaitement à sa stratégie développée pour combattre « le narratif russe, chinois ou turc », et leurs relais locaux, qu’il avait déjà dénoncé, le 1er septembre 2022, lors de la conférence des ambassadeurs à l’Elysée.

Quelques semaines plus tôt, en effet, au Palais de l’Elysée, Emmanuel Macron avait, lors de la Conférence des ambassadeurs, exhorté ses troupes, en appelant nos représentants engagés aux quatre coins du continent à « une stratégie d’influence, en étant plus agressifs et mobilisés ». Visées, les incursions et succès de la Russie, à travers le groupe Wagner en Centrafrique, Tchad, Mali et certainement prochainement Burkina et Niger !

« Notre pays est souvent attaqué. Il est attaqué dans les opinions publiques, par les réseaux sociaux et les manipulations » dénonçait Emmanuel Macron. « Il ne s’agit pas de faire de la propagande, mais de contrer les propagandes anti françaises, de combattre les narratifs mensongers, les informations fausses et défendre la réalité de notre action », estimait-il.

La situation observée récemment en Afrique de l’Ouest semble lui donner raison, mais n’est-ce pas une prise de conscience tardive ?

Lors du coup d’Etat dans le coup d’Etat au Burkina Faso, le 30 septembre 2022, mené par le capitaine Ibrahim Traoré, on a vu dans les rues de Ouagadougou des manifestants accueillir les nouveaux putschistes avec des drapeaux russes, scandant des slogans comme « A bas la France ! » et « France dégage ! ». A cela se sont ajoutées des violences à l’égard de l’ambassade de France, tandis qu’à Bobo-Dioulasso, les locaux de l’Institut Français ont été la cible de leur colère. Il est vrai que certains ont accusé la France de soutenir le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ou de l’aider à rétablir le régime de l’ancien président Blaise Compaoré.

Les « news fakers wagneriens » s’en sont donnés à cœur joie. Selon eux, des parachutistes français étaient largués, toujours à Bobo-Dioulasso, la seconde ville du pays, pour venir en aide au lieutenant-colonel Paul Henri-Sandaogo Damiba…tout fraîchement putschiste lui aussi, huit mois plus tôt ! Cet épisode expressément démenti par les diplomates du Quai d’Orsay et la cellule Afrique de l’Elysée n’avaient rien vu venir ! Et pour cause, les émissaires français sont hors-sol, au Burkina-Faso, mais aussi au Mali, en Centrafrique ou encore au Tchad. Même au Sénégal un sentiment anti-français prévaut, adroitement entretenu par Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, la capitale de la Casamance, imperturbable opposant à l’entente cordiale entre Macky Sall et Emmanuel Macron. Il est bon pour uatant de rappeler que la France reste le 1er partenaire économique du Sénégal.

Au Mali, où des militaires dirigent le pays depuis le putsch d’août 2020, le Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, a accusé Paris de « pratique coloniale, condescendante, paternaliste et revancharde », tout en saluant les « relations de coopération exemplaire et fructueuse » entre son pays et la Russie de Vladimir Poutine. « Les autorités françaises, profondément anti-françaises pour avoir renié les valeurs morales universelles, en trahissant le lourd héritage humaniste des philosophes des Lumières, se sont transformées en une junte au service de l’obscurantisme », a-t-il déclaré à la tribune des Nations-Unies en septembre dernier. Pour conclure son propos vengeur, il expliquait : « Paris fournit des renseignements, des armes et des munitions aux groupes terroristes, instrumentalisant les différends ethniques, en oubliant si vite sa responsabilité dans le génocide des Tutsi au Rwanda. » Moins de dix ans après l’arrivée triomphale des troupes françaises avec « Serval » en 2013, puis « Barkhane » à partir de 2014, et même si le retrait de ces mêmes troupes fut interprété comme un abandon, « parce que le job n’avait pas été terminé en matière de sécurisation de la zone », c’est difficile à entendre, à fortiori, devant des nations, plutôt désunies, sur ce cas précis !

Nombreux sont ceux qui continuent à pointer du doigt les prises de position, étonnantes, à géométrie variable, du président Emmanuel Macron en Afrique.

Nul ne peut ignorer ses attaques multiples contre le régime putschiste au Mali, alors qu’il s’était précipité à N’Djamena, en avril 2021, pour avaliser la transition non démocratique, imposée par l’armée tchadienne. Pourtant, après avoir soutenu pendant trente ans, le père, Idriss Déby, mort au combat au lendemain d’une énième élection arrangée, Emmanuel Macron se précipite aux obsèques nationales pour adouber le fils, Mahamat Idriss Déby, au prétexte de « stabilité » du pays dans la zone ciblée par les djihadistes. Entre-temps, le 20 octobre dernier, plus de 50 personnes ont perdu la vie sous les tirs des forces gouvernementales. Paris condamne du bout des lèvres pareille répression.

Ce grand écart, entre déclarations bienveillantes – et certainement de bonne foi du locataire de l’Elysée – mais trop intéressées, et aujourd’hui, le rejet de la France dans ces pays, est très difficile à justifier.

Le 6 octobre 2022, une fondation pour la démocratie en Afrique, avec statut d’organisation non-gouvernementale, a vu le jour au sein de l’Université de Witwatersrand, en Afrique du Sud, sur financement français, du moins pour son démarrage.

Son initiateur, l’historien, auteur camerounais, Achille Mbembé – un temps enrôlé par Emmanuel Macron pour la préparation du Sommet Afrique-France d’octobre 2021 et chargé de rédiger un rapport sur les relations entre Paris et le Continent –, a assuré qu’elle n’avait pas vocation à se mettre « au service de l’influence française » ni à « réduire le sentiment antifrançais » en Afrique.

Reste à voir quel accueil les Africains lui réserveront, notamment parmi les élites qui se sont montrées très déçues par l’attitude de l’actuel hôte de l’Elysée.

Celui-ci entame son second mandat dans un contexte de désintérêt de la France envers le Continent, en dehors des questions sécuritaires et migratoires.

Enfin, les promesses de renouvellement de la relation entre la France et les pays francophones, issus d’une colonisation ravageuse, à travers une conquête hasardeuse des diasporas – cf le score aux présidentielles du candidat Macron face à Mélenchon auprès de ces jeunes bi nationaux, toujours promptes à fouler les pelouses des jardins de l’Elysée, une fois cornaqués par les envoyés spéciaux du président pour rassembler les foules aveuglées, restent toujours floues.

A force de jouer cette délicate partition du « en même temps », cherchant à satisfaire les anciens dirigeants – certains comme Paul Biya, récemment visité et président du Cameroun depuis plus de 40 ans, affichant au compteur plus du double d’années de vie qu’Emmanuel Macron – comme les nouvelles générations, Emmanuel Macron est tombé, tout seul, dans un véritable guet…apens dont il va être désormais difficile de s’extraire.

Eric Bazin

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