À 30 ans, Nfansoumane Prince Bangoura se distingue dans les affaires. Sorti de l’Université d’Orléans puis de l’Institut G4 de Paris et fondateur de Yankady, plateforme digitale dédiée à la vente en ligne, le jeune Guinéen impressionne par sa passion pour l’innovation et les nouvelles technologies. Son crédo : encourager, accompagner, soutenir et élever les entreprises africaines. Diasporas-News l’a rencontré et il ne cache pas ses grandes ambitions pour l’Afrique.
Diasporas-News : Entrepreneur très prometteur et surtout infatigable, Prince Bangoura a-t-il une vie de famille ? A-t-il des loisirs ?
Nfansoumane Prince Bangoura : C’est vrai qu’on me pose souvent cette question vu tout ce que j’essaie de faire (Rires). Mais oui, j’ai une vie de famille, j’aime cependant rester discret sur ce point.
Je fais beaucoup d’activités sportives, particulièrement le basket et la boxe. Ça m’aide à souffler et à évacuer le stress. Je prends du temps pour ma famille, je fais des sorties, etc. Mais, le moment où je prends le plus de plaisir c’est quand je comprends le fonctionnement d’une technologie.
D-N : Fonder des structures telles Yankady, clone d’Amazon, Co-Fonder BrainSense, LegalTech, Trustee exige une passion pour l’innovation et les nouvelles technologies. Comment est née cette passion ?
N.P.B : Depuis tout petit, j’ai toujours eu cette curiosité de comprendre ce qui se passe dans un ordinateur. Je me rappelle avoir démonté l’unité centrale d’un ordinateur que mes parents avaient installé à la maison juste par curiosité. Mais n’ayant pas réussi à l’assembler, j’ai réalisé que le hardware ne me plaisait pas. Ensuite je me suis intéressé aux softwares (logiciels) pour comprendre comment ils fonctionnaient. Je me demandais comment les jeux que j’avais sur l’ordinateur étaient créés, c’est de là qu’est partie cette envie qui au fil du temps s’est transformée en passion.
D-N : L’ère numérique dans laquelle nous baignons est-elle bénéfique dans notre quotidien ?
Bien sûr. Actuellement, les nouvelles technologies sont parties intégrantes de notre vie et on se rend compte que tout est possible ou presque. On est passé de la réalisation des logiciels à l’impression de nourriture (viande, pâtes) avec la 3D. Une entreprise asiatique arrive quant à elle à imprimer des briques pour la construction en 3D en un temps record. Dans le secteur de la médecine, on arrive même à imprimer des organes humains. Il y a aussi l’intelligence artificielle, l’internet des objets, le big data, tous ces éléments sont des sujets sur lesquelles je travaille, je me documente, afin de proposer des solutions qui répondent à nos problématiques.
D-N : Quelle est la spécificité de Yankady par exemple ?
N.P.B : Accompagner les créateurs et créatrices africains à étendre leurs activités en touchant le marché international. Grâce à YANKADY, nous répondons aux besoins des consommateurs africains qui souhaitent acquérir facilement les produits MADE IN AFRICA en profitant ainsi des nouvelles technologies.
D-N : La vente en ligne de produits artisanaux d’origines africaines pour promouvoir l’excellence africaine vous rapporte-t-elle beaucoup d’argent ?
N.P.B : Pour l’instant, la startup est à ses débuts donc on ne peut pas encore parler de beaucoup d’argent mais les perspectives sont là. Nous avons une croissance en termes de trafic sur YANKADY, le nombre de créateurs qui s’inscrit tous les jours sur la plateforme augmente. Nous avons aussi des représentants qui se multiplient dans plusieurs pays tels que le Niger, la Côte d’Ivoire pour ne citer que ceux-ci.
D-N : Quelle est la situation dans votre pays d’origine, la Guinée?
N.P.B : Sur le plan du développement de startups, la Guinée connait une évolution de l’état d’esprit vers l’entreprenariat qui m’a agréablement surpris.
D-N : Racontez-nous…
J’ai rencontré plusieurs jeunes qui ont lancé leur entreprise, même si cela n’est pas toujours évident, ils se donnent les moyens d’y arriver. Dans les formations sur l’entreprenariat qu’on organise à Trustee, il y a des participants de tous âges. C’est d’ailleurs cela qui nous a motivé, avec mon associé Ibrahima Kalil Kaba, à créer l’Académie de formation TRUSTEE, en développement business et en nouvelles technologie. Même si d’autres initiatives comme TRUSTEE existent, le manque de structuration, de soutien financier et d’accompagnement reste une situation délicate en Guinée.
D-N : Encore engluée dans ses problèmes d’hydraulique, d’électricité et même de pauvreté, l’Afrique est-elle vraiment prête pour une révolution technologique ?
N.P.B : Il n’est pas correct de parler de l’Afrique comme d’un seul pays, car si certains pays Africains doivent d’abord faire face à des problématiques d’hydraulique, d’électricité et autres avant de parler de technologies, d’autres pays ont déjà bien entamé leur révolution technologique.
D-N : Lesquels ?
Dans les pays comme le Maroc, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, la Guinée, plusieurs startups technologiques se développent. Au Maroc, les industries se penchent déjà sur l’industrie 4.0. Il y a aussi les états qui impliquent les nouvelles technologies dans leur programme de développement. Donc, malgré les défis à relever, les pays Africains ont déjà amorcé leur transformation digitale, même s’il est évident que certains iront plus vite que d’autres, comme c’est le cas partout dans le monde.
D-N : Remporter le concours Startup Week-end Paris en 2019 vous a-t-il ouvert d’autres portes ? Lesquelles ?
N.P.B : Ce concours a été une belle aventure qui a permis de belles rencontres, avec de belles perspectives pour avancer sur la startup BrainSens mais la situation sanitaire a été un frein à la réalisation des actions planifiées, puisqu’on avait un calendrier qui était de développer et de tester notre solution technologique en 2019 et rencontrer certains responsables en Afrique en 2020.
D-N : Quels sont vos projets à moyen et à long terme ?
N.P.B : Puisque je m’inscris dans une continuité de développement des startups, mes projets à moyen terme sont l’expansion de Yankady en proposant de nouveaux services, la formation en nouvelles technologies et l’accompagnement en développement d’entreprise à travers Trustee, le lancement du premier produit de BrainSense.
Sur le long terme, je souhaite proposer des solutions autour de l’industrie 4.0, car les opérateurs économiques Africains doivent embarquer une nouvelle façon d’organiser les moyens de production grâce aux nouvelles technologies.
D-N : Beaucoup d’entrepreneurs africains agitent le racisme ambiant en France pour ne pas prospérer. Votre avis ?
N.P.B : Personnellement, quand on est entrepreneur nos actions sont orientées vers la recherche de solutions, donc peu importe les difficultés, on fait un constat et on cherche à avancer.
D-N : Vous n’avez pas répondu à la question…
N.P.B : Il est clair que l’accès au financement en France pour des entrepreneurs d’origine africaine n’est pas évident mais cela n’empêche pas ces entrepreneurs de lancer leurs activités et prospérer, que ce soit en France ou dans d’autres pays Européens. Donc, agiter la carte du racisme ne sert à rien quand on souhaite réussir.
Entretien réalisé par Thomas De Messe ZINSOU, paru dans le Diasporas-News de Mai 2021