jeudi, novembre 21, 2024
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Afrique du Sud: l’ANC divisée veut virer les corrompus, « sauver son âme »

Accusé de corruption, Ace Magashule avait 30 jours pour démissionner. Mais le secrétaire général de l’ANC n’a pas cédé, forçant le parti historique au pouvoir en Afrique du Sud, à envisager sa suspension, au risque d’une guerre fratricide au sommet de l’Etat.

Avec son perpétuel air renfrogné, il fait trembler ses rivaux depuis des semaines. La question sur toutes les lèvres était de savoir si Ace Magashule, qui doit bientôt comparaître pour fraudes et détournements, partirait sur la pointe des pieds. Ou s’il forcerait le Congrès national africain (ANC), en quête d’un coup de balai salvateur face à des électeurs écoeurés, à prendre ses responsabilités, risquant d’approfondir les divisions.

« Ace » est resté muet. Son limogeage, s’il aboutit, pourrait maintenant prendre des semaines, avec des réunions et toutes sortes d’arbitrages. Ouvrant une période d’instabilité inconfortable pour le chef de l’Etat, Cyril Ramaphosa, qui est aussi le président de l’ANC.

Le parti avait annoncé fin mars que M. Magashule, comme tous ses membres accusés de corruption, devait sauter. Mais le sexagénaire inoxydable, boule à zéro et lunettes sévères, avait d’emblée laissé entendre qu’il ne partirait pas sans combattre.

« Pour la première fois de son histoire, l’ANC s’apprête à virer son propre secrétaire général », note le politologue Mcebisi Ndletyana. « Ca montre bien la profondeur de la corruption » au sein du parti.

Elias Magashule, surnommé « Ace » (l’as, en anglais) gamin parce que doué au foot, est un politique coriace, que rien ne semble arrêter. Au point que tous les coups semblent permis.

Il émerge au début des années 2000 pour devenir, ces derniers temps, un confident politique de l’ancien président Jacob Zuma qui traîne lui-même des batteries de casseroles.

– « Gangster » –

Il a grimpé dans l’appareil de l’ANC post-apartheid depuis sa province rurale du Free State (centre), y exerçant une domination digne d’un « gangster », comme l’évoque le titre de sa biographie explosive signée du journaliste d’investigation Pieter-Louis Myburgh, « Gangster State », qui détaille ses nombreux côtés obscurs.

Actuellement libre mais sous caution, il sera jugé en août, aux côtés d’une quinzaine de coaccusés, pour avoir notamment volé de l’argent public mis de côté en 2014 pour désamianter des logements sociaux, lorsqu’il était Premier ministre de la province.

Les travaux n’ont jamais eu lieu: les enquêteurs estiment que l’équivalent de près de dix millions d’euros ont été empochés.

« Ace », secrétaire général depuis 2017, a été inculpé en novembre. Quatre mois plus tard, l’ANC activait une règle interne entrée en vigueur en 2020 pour assainir le parti de Nelson Mandela, entaché de corruption et de vols, imposant à tout membre poursuivi pénalement de démissionner ou de s’exposer à une suspension.

L’ascension de M. Zuma, président de 2009 à 2018, « a ouvert la voie à l’abaissement des niveaux d’exigence en matière de leadership », explique l’analyste politique Ongama Mtimka.

Sous M. Ramaphosa, sa mission principale semble avoir été de « s’opposer à la consolidation du pouvoir par le nouveau président », résume ce professeur d’université. « Ramaphosa restera vulnérable tant qu’Ace se maintiendra à ce poste où il fait ouvertement campagne contre lui ».

Un rapport de chercheurs datant de 2017 intitulé « Trahison de la promesse, l’Afrique du Sud dévalisée », présente M. Magashule comme l’un des dirigeants responsables de la constitution de réseaux de clientélisme qui ont facilité la distribution illégale d’avantages.

La décision du parti d’écarter ses responsables visés par la justice doit être comprise dans le cadre plus large du « combat pour sauver l’âme de l’ANC, son intégrité, sa moralité », commente M. Mtimka. D’autres responsables ont déjà été limogés en vertu de cette règle.

M. Magashule, plus haut responsable empêtré dans des scandales, bénéficie encore d’alliés solides au sein du parti, note Mcebisi Ndletyana, et son départ fait redouter, dans le pire scénario, une scission.

« S’ils parviennent à se débarrasser des dirigeants peu glorieux, l’ANC s’unira davantage sur des positions communes », dit le politologue, ce qui aurait aussi pour vertu de rassurer les investisseurs étrangers.

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