Les hommes politiques sont généralement issus, soit de l’élite, de l’intelligentsia ou alors sont des « fils de » ; ce qui a la fâcheuse tendance à les éloigner des masses. Leur parcours, leur expérience et leur agenda chargé les maintiennent souvent très loin des préoccupations des populations. Hamed Bakayoko n’était pas de ceux-là. L’ancien Premier ministre ivoirien n’a jamais coupé le lien qui l’unit aux populations. Ce qui faisait de lui un homme du peuple.
Il n’y a pas si longtemps des jeunes disaient encore qu’il était le seul homme politique ivoirien, tous bords confondus, qui pouvaient traverser Abidjan d’est en ouest ou du sud au nord sans aucun garde du corps. Et c’était vrai tant cet homme a su fédérer sur son nom de nombreux Ivoiriens qui continuent de le pleurer.
Hamed Bakayoko n’a pas fait de brillantes études supérieures. Hormis son baccalauréat, on ne lui connaît pas d’autres diplômes. Mais il n’en a jamais fait un handicap et cela ne l’a pas empêché de gravir les échelons et devenir un homme politique de premier plan dans son pays la Côte d’Ivoire. Il est celui qu’on appelait affectueusement « l’homme fort de la Côte d’Ivoire ». Alors que de nombreux politiciens de son parti concourraient aux municipales pour les communes les plus huppées d’Abidjan, lui avait choisi Abobo, commune aussi populaire, peuplée que pauvre. Il voulait en faire un havre de paix. Il n’en n’eut pas le temps !
Aux palaces guindés des personnalités politiques, il préférait la compagnie de nombreux acteurs du monde culturel, sportif et musical. Avec eux il avait tissé des liens quand il dirigeait la radio Nostalgie Abidjan. Amateur et très bon danseur de rumba, ses louanges ont été chantées par de nombreux chanteurs congolais et ivoiriens.
Généreux, le cœur sur la main, cet homme ne faisait acception de personne quant à « ses dépannages ». Il aidait tout le monde et sans distinction ni calcul d’arrière-pensée. Son langage était celui de « Monsieur Tout le Monde », sans formule alambiquée pour « se la raconter ». Capable de manger dans les plus grands restaurants de la capitale économique ivoirienne, il pouvait aussi s’installer dans un des restaurants populaires d’Abidjan, les fameux « maquis », pour ripailler à la bonne franquette avec ses amis.
Hamed Bakayoko faisait de la politique comme nul autre. Dans le microcosme politique ivoirien, où l’ascendance familiale et la fortune de départ sont de puissants leviers pour partir à la conquête des sommets, il était différent « Hambak » incarnait l’enfant du peuple qui, par sa volonté et une fidélité sans faille à son mentor Alassane Ouattara, avait su gravir presque toutes les marches du pouvoir. Anciennement militant du PDCI-RDA, il avait, courageusement décidé, à la mort du président Houphouët-Boigny, d’opter pour Ouattara dans la guéguerre de succession qui l’opposait à Bédié. Il connut les affres de la prison pour cela. Mais il a su garder sa ligne de conduite
Cet homme hors du commun, comme pour boucler la boucle, est décédé le mercredi 10 mars d’un cancer foudroyant dans un hôpital de Fribourg, en Allemagne. Oui, mourir alors qu’il venait à peine de fêter, le 8 mars, ses 56 ans, c’était aussi cela, Hambak. Atypique et charismatique jusqu’au bout !
Daho Malick, paru dans le Diasporas-News n°124 Avril 2021
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