A peine arrivée, la nouvelle cheffe de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a appelé lundi à débloquer les négociations sur les aides à la pêche, au premier jour d’un mandat historique à la tête d’une institution en crise en pleine pandémie.
« J’arrive dans une des plus importantes institutions du monde et on a beaucoup de travail. Je me sens prête », a lancé la Dr Ngozi, à son arrivée, tôt, à l’élégant siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sur les berges du lac Léman.
La première femme et première Africaine à diriger l’OMC n’a pas perdu une minute et a inauguré en début de matinée une sculpture sur glace représentant des poissons, installée par des ONG, en compagnie de l’ambassadeur colombien Santiago Wills, président des négociations sur les subventions à la pêche, qui sont au point mort.
« Nous avons vraiment le sentiment que la surpêche, la surcapacité et la pêche illégale sont des facteurs qui nuisent à la durabilité. C’est pourquoi il est important (…) que nous achevions les négociations le plus rapidement possible », a-t-elle déclaré, en indiquant que sa présence a pour but d’essayer de soutenir M. Wills pour « tenter de débloquer la situation ».
Elle également placé la journée sous le signe de l’écoute alors que s’ouvre la première réunion du Conseil général (1-2 mars), et qu’elle doit rencontrer aussi les directeurs généraux adjoints, qui ont piloté l’institution pendant les six mois de vacance de pouvoir et une partie de ses équipes.
Le tout à bonne distance, Covid-19 oblige.
Deux fois ministre des Finances et cheffe de la diplomatie du Nigeria durant deux mois, la Dr Ngozi, 66 ans, remplace le Brésilien Roberto Azevedo, qui a quitté ses fonctions en août un an avant la fin de son mandat.
Celle qui a travaillé pendant 25 ans à la Banque mondiale a été désignée le 15 février par les 164 pays membres de l’OMC au terme d’un long processus de sélection, paralysé pendant plusieurs mois par le veto à sa nomination de l’ex-administration Trump, auquel Joe Biden a mis fin.
La Dr Ngozi entame son mandat au premier jour de la première réunion de l’année du Conseil général, l’occasion de faire le point sur les négociations en cours.
Les délégués doivent également décider, sauf surprise, que la prochaine Conférence ministérielle – qui a dû être reportée en raison de la pandémie de Covid-19 – se tienne en décembre à Genève.
D’ici là, la nouvelle cheffe de l’OMC, connue pour sa forte volonté et sa détermination, aura eu le temps d’imprimer sa marque à Genève.
Elle a accepté les excuses de journaux suisses qui l’avaient désignée comme « grand-mère » dans un titre sur sa nomination non sans dénoncer dans des tweets lundi les « remarques racistes et sexistes ».
Si certains espèrent que son arrivée donnera un véritable coup de fouet à l’organisation, d’autres soulignent qu’elle ne pourra tout changer d’un coup de baguette magique en raison de la règle du consensus qui prévaut à l’OMC.
– Institution torpillée –
En pleine pandémie, Mme Ngozi, qui fut présidente de l’Alliance du Vaccin (Gavi) jusqu’à l’an dernier, a récemment appelé l’OMC à se concentrer sur cette crise sanitaire alors que les pays sont divisés à propos d’une exemption – proposée par l’Inde et l’Afrique du Sud- des droits de propriété intellectuelle sur les traitements et vaccins anti-Covid pour maximiser la production mondiale.
Le sujet sera débattu ces deux prochains jours à l’OMC, mais aucune décision n’est attendue en l’absence de consensus.
Le Groupe d’Ottawa, qui réunit l’UE et 12 pays, dont le Brésil, le Canada et la Suisse, va de son côté demander que les pays s’engagent, pendant la pandémie, à ne pas entraver le commerce médical et suppriment les droits de douane visant les marchandises considérées comme essentielles.
Outre les discussions sur les aides la pêche, qu’elle espère terminer lors de la prochaine conférence ministérielle, plusieurs autres chantiers de taille attendent la nouvelle cheffe de l’OMC, dont dénouer les conflits opposant l’organisation aux États-Unis.
Elle prend la tête d’une institution torpillée notamment par l’administration de Donald Trump, qui était ouvertement hostile à l’organisation et avait même bloqué le fonctionnement de l’organe de règlement des différends.