jeudi, novembre 21, 2024
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Ouganda: réseaux sociaux et messageries suspendus à l’approche de la présidentielle

L’Ouganda a ordonné mardi aux opérateurs internet de suspendre l’accès aux réseaux sociaux et services de messagerie jusqu’à nouvel ordre, deux jours avant une élection présidentielle tendue.

Les Ougandais voteront jeudi lors d’élections présidentielle et législatives où le président sortant Yoweri Museveni, 76 ans, au pouvoir depuis 1986, affronte l’opposant Bobi Wine, 38 ans, au terme d’une campagne électorale plus violente que les précédentes.

Des candidats de l’opposition ont été arrêtés et empêchés de faire campagne. Leurs supporters ont été visés par des gaz lacrymogène et parfois par des balles réelles.

Journalistes couvrant l’opposition, critiques du régime ou encore organisations d’observation des élections ont de diverses manières été empêchés de travailler, suscitant des craintes pour l’équité et la transparence du scrutin.

Mardi, la directrice de la Commission ougandaise des communications, Irene Sewankambo, a ordonné dans un courrier transmis aux opérateurs internet et consulté par l’AFP de « suspendre immédiatement tout accès » à l’ensemble des réseaux sociaux et services de messagerie, notamment Facebook, Twitter, WhatsApp, Signal et Viber.

Dans un discours télévisé mardi soir, M. Museveni a confirmé la mesure, expliquant qu’elle avait été prise en représailles de la fermeture lundi par Facebook de plusieurs comptes appartenant à des responsables gouvernementaux ou des soutiens du président.

Le géant américain accuse ces derniers d’avoir cherché à « influer sur le débat public en amont de l’élection ».

« Un de ces groupes, je pense qu’il s’appelle Facebook, ou quelque chose comme ça, a essayé de cibler nos groupes », a déclaré le président.

« Je suis sûr que le gouvernement a fermé les réseaux sociaux (…) Je suis vraiment désolé pour le désagrément mais nous ne pouvons tolérer l’arrogance de quiconque vient décider pour nous de ce qui est bien et de ce qui est mal », a-t-il poursuivi.

– « Impossible de gagner » –

M. Wine, ancien chanteur devenu député qui s’est imposé comme le principal adversaire de M. Museveni, a appelé les électeurs ougandais à voter en masse et à « protéger leur vote ».

Qualifiant d' »illégal » l’ordre donné par la Commission électorale aux électeurs de s’éloigner rapidement des bureaux de vote après avoir glissé leur bulletin dans l’urne, il a, au contraire, enjoint ces derniers à utiliser leurs « téléphones, leurs caméras » pour surveiller le scrutin.

Bobi Wine a déclaré dans une récente interview à l’AFP que ses supporters étaient « pacifiques mais fermes » et a promis des manifestations, non violentes, si l’élection semblait truquée.

Au cours de la campagne, l’opposant, arrêté maintes fois depuis 2018, a troqué ses costumes ajustés et son béret rouge pour un gilet pare-balle et un casque. En novembre, 54 personnes ont été tuées par la police lors de violences qui ont suivi une énième arrestation du candidat.

Mardi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a exhorté les autorités à respecter les droits de l’Homme, « particulièrement les forces sécuritaires », déployées en masse dans la capitale.

Loin du tumulte, Museveni a tranquillement sillonné le pays ces dernières semaines, coiffé de son emblématique chapeau à large bord, inaugurant de nouvelles routes, et tenant le décompte du nombre de jours le séparant de la victoire sur ses posters de campagne.

Pendant son long règne, l’ancien guérillero est parvenu à fusionner l’Etat avec son parti, le Mouvement pour la résistance nationale (NRM), et à empêcher toute alternative politique. En 35 ans, il n’a jamais perdu une élection.

« Le contexte rend simplement impossible de gagner une élection contre Museveni. L’identité du challenger importe peu », observe l’analyste politique ougandais Bernard Sabiti.

– Jeunesse –

Mais l’émergence de Bobi Wine, Robert Kyagulanyi de son vrai nom, a ébranlé le président, qui préside aux destinées d’une population extrêmement jeune – l’âge médian est inférieur à 16 ans – et de plus en plus urbanisée et éduquée.

Cette jeunesse n’a connu d’autre dirigeant que Museveni et est moins sensible que ses aînés à la stabilité et à la prospérité relative que le président a amenées après les sombres années Idi Amin Dada et Milton Obote.

De plus, elle peine à se construire un avenir dans un pays où seulement 75.000 nouveaux emplois sont créés chaque année pour les 700.000 jeunes qui entrent dans le même temps sur le marché du travail, selon la Banque mondiale.

Bobi Wine, qui avait trois ans lorsque Museveni est arrivé au pouvoir, promet de mettre fin à la corruption, responsable selon lui de l’absence de débouchés.

« Nous voulons du changement. Il n’y a pas d’emplois, pas d’argent, nous ne pouvons pas aller étudier et quand nous allons à l’hôpital, il n’y a pas de médicaments », explique Dorah Wasswa, 23 ans, qui vend des produits à la sauvette dans une rue de Kampala.

M. Museveni accuse son jeune rival d’être soutenu par « les étrangers » et « les homosexuels », et a plus largement suggéré que ses opposants sont aidés par des « gangs criminels ».

Face à lui, l’opposition n’est pas parvenue à s’unifier et présente 10 candidats qui ont vécu une campagne compliquée, à commencer par Wine, que les forces de sécurité ont accusé, ainsi que ses supporters, d’enfreindre les mesures de lutte contre le Covid-19.

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