jeudi, novembre 21, 2024
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Au Liban, les domestiques abandonnées sans salaire veulent partir

Renvoyée sans valise, salaire ou passeport, Sofia est, comme de nombreuses employées domestiques étrangères au Liban, victime de la crise économique. Aujourd’hui, cette Ethiopienne ne rêve que de rentrer chez elle dans les vols de rapatriement organisés à partir de mercredi.

« Ma +madame+ m’a jetée dehors. Elle me doit six mois et demi de salaire », déplore la jeune femme d’une vingtaine d’années, les cheveux couverts par un foulard rouge, attendant devant le consulat d’Ethiopie à Hazmieh, une banlieue de Beyrouth.

« Je veux retourner en Ethiopie », ajoute-t-elle en disant n’avoir pas vu ses deux enfants depuis près de trois ans.

Le Liban traverse depuis l’année dernière une grave crise économique, marquée par une pénurie de dollars et une forte dépréciation de la livre libanaise qui ont ébranlé le pouvoir d’achat des familles.

Face à cette débâcle, aggravée par la pandémie du nouveau coronavirus, de nombreux Libanais payent désormais les employés domestiques en livres, contre des dollars auparavant. Certains employeurs ont même arrêté de verser leurs salaires ou les ont mis à la porte.

Passant à l’action, le gouvernement a annoncé, à partir de mercredi, des vols de rapatriement, vers l’Ethiopie et l’Egypte pour commencer.

En décembre, le consulat éthiopien avait annoncé l’inscription à de tels vols que doivent payer les employés immigrés. Mais les rapatriements avaient été retardés notamment à cause du nouveau coronavirus qui a mis le pays à l’arrêt.

Contacté, le service consulaire de l’Ethiopie n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP sur le nouveau mécanisme de ces rapatriements.

Une Ethiopienne qui va finalement partir cette semaine a indiqué à l’AFP avoir payé 550 dollars son billet en décembre.

– « A vendre » –

Mais selon une source de sécurité, des discussions sont en cours pour savoir comment payer les billets des personnes en difficultés.

Sofia fait partie de dizaines d’Ethiopiennes venues en début de semaine au consulat pour s’enquérir. A l’entrée, un policier refoule tout le monde, expliquant qu’il faudra revenir dans neuf jours.

Dans la foule, il y a aussi des employeurs libanais cherchant à aider leur employée à réserver un vol. On leur signale, à eux, qu’ils devront payer.

Non loin, une Ethiopienne fond en larmes près de ses valises. N’ayant pas été payée depuis six mois, elle ne sait plus où dormir après avoir été chassée par son employeur, sans passeport.

Quelque 250.000 travailleurs immigrés, venus en grande majorité d’Ethiopie, des Philippines ou du Sri Lanka, sont employés au Liban selon un système de parrainage appelé « kafala », qui selon des ONG les prive des dispositions du droit de travail.

Ces dernières semaines, plusieurs associations ont rapporté une recrudescence des appels à l’aide de la part de domestiques. Une situation d’autant plus douloureuse qu’avec le confinement, il n’y a parfois pas d’échappatoire face aux abus de certains employeurs.

« Le niveau de désespoir vient de franchir un nouveau seuil », confie une militante du groupe This is Lebanon, rapportant « une forte hausse des appels sur des salaires impayés ». Certaines travailleuses ont été renvoyées auprès des agences de recrutement organisant leur arrivée au Liban.

Illustrant l’ampleur du drame, au moins deux personnes ont publié des annonces sur Facebook de « vente » de leur domestique.

Le ministère du travail a averti que la justice pouvait considérer ces annonces comme du « trafic humain ». Et le gouvernement a lancé un numéro d’urgence pour les plaintes.

– « Besoin de nourriture » –

Ali al-Amine, président du syndicat des agences de recrutement, confirme une augmentation des appels d’employeurs ne pouvant plus payer en dollars.

Il admet que pour les employeurs payés en livres libanaises, leur salaire « suffit à peine pour vivre ». Mais si le contrat avec leur employée est en dollars « ils doivent l’honorer ».

Avec la forte dévaluation de la livre et les restrictions sur les retraits bancaires, trouver des dollars relève d’un parcours du combattant.

Avec le début du confinement mi-mars, « des milliers de travailleurs domestiques et leurs enfants ont eu besoin d’une aide médicale et alimentaire », déplore, Banchi Yimer, une ancienne travailleuse domestique éthiopienne qui dirige l’association Egna Legna. Elle a pu collecter plus de 12.000 dollars pour aider ces personnes.

Sofia, elle, a été repérée par une compatriote, Ala, qui a persuadé son employeur libanais de l’héberger.

« Il y a des gens qui sont très bons, qui paient pour votre voyage et vous traitent comme de la famille », assure Ala.

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