« Je ne connais pas de pays qui ont pu ou qui pourront se développer économiquement s’il n’y a pas la paix », tonne Christine Lagarde. La persistance des conflits est le principal frein à la croissance en Afrique subsaharienne, souligne l’ancienne dirigeante du FMI.
« La paix, c’est la première condition », insiste-t-elle dans un entretien exclusif à l’AFP, déplorant que l’on parle « très peu » de la situation de conflit que vivent ces pays, des camps de réfugiés « très très importants » aux frontières.
« Tout est lié. Les réfugiés ne quittent pas leur pays de gaieté de coeur », dit-elle. « Bien souvent, ils quittent un pays parce qu’il y a des violences, parce qu’il y a un risque de conflit, parce que la guerre les chasse de leur pays ».
Sur une note plus optimiste, elle souligne que l’Afrique a connu « des changements phénoménaux » et « une amélioration significative » ces dernières décennies.
Le Fonds monétaire international, qui a renforcé sa présence sur le continent africain pour apporter ses compétences techniques, a contribué « au changement des mentalités » en sensibilisant les pays à l’importance des politiques macro-économiques.
En outre, le rôle de la femme africaine dans l’économie –que Christine Lagarde a constamment mise en avant — et l’impact de la technologie sur les jeunes sont autant d’éléments ayant contribué à la croissance.
Mme Lagarde, qui vient de quitter le poste de directrice générale du FMI qu’elle a occupé pendant huit ans, rappelle avoir elle-même été au chevet des pays. « J’ai visité tant de pays africains », se remémore-t-elle. A chaque déplacement –un à deux par an– elle s’est rendue dans trois ou quatre pays différents pour prendre le pouls économique, encourager les décideurs à prendre les mesures nécessaires et à lutter contre la corruption.
– Pauvreté persistante –
Le développement économique en Afrique subsaharienne est aujourd’hui « supérieur à la croissance mondiale », constate-t-elle, soulignant qu’il y a des pays, à l’instar de la Côte d’Ivoire, du Rwanda ou du Sénégal où le développement est encore beaucoup plus rapide.
Le FMI y a joué un « rôle de portefeuille », déployant d’importants financements.
Pour autant, la pauvreté continue d’augmenter en Afrique sub-saharienne, qui comptait déjà il y a quatre ans plus de la moitié de la population mondiale extrêmement pauvre. Et cette région du monde est particulièrement fragilisée par les changements climatiques et la pression démographique.
Les projections montrent que d’ici 2030, près de 9 personnes sur 10 vivant dans l’extrême pauvreté seront originaires de cette région du monde, alors que la population du continent va s’accroître dans le même temps de 1,3 milliard, soit plus de la moitié de la croissance de la population mondiale.
Pour 2019, le FMI table sur une croissance de 3,4% du PIB pour cette partie du monde, contre 3% en 2018 et contre 3,2% pour l’économie mondiale.
Mais l’expansion enregistrée en moyenne ces dernières années reste insuffisante pour créer les 20 millions d’emplois qui seraient nécessaires chaque année pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Face à ces difficultés, le FMI, sous la houlette de Christine Lagarde, a encouragé sans relâche les pays africains à former une zone de libre-échange pour stimuler les échanges commerciaux.
Début juillet, les pays membres de l’Union africaine ont ainsi lancé symboliquement à Niamey la « phase opérationnelle » de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlec). Pour ses promoteurs, celle-ci doit constituer un pas vers la paix et la prospérité en Afrique et devenir « le plus grand espace commercial au monde ».
L’ambition est de rendre ce marché actif à partir du 1er juillet 2020 à condition que les 54 pays se mettent d’accord sur le calendrier et l’ampleur des réductions des droits de douane ainsi que sur la circulation de biens importés de l’étranger.
Au côté de cette zone de libre-échange, l’autre défi reste la mobilisation de fonds pour investir massivement dans les infrastructures, tout aussi cruciales pour le développement.