En 2018, Ian Khama président du Botswana, confiait le pouvoir à son vice-président Mokgweetsi Masisi lors d’une transition pacifique. Un an plus tard, il a claqué la porte de son parti et accuse le nouveau chef de l’Etat d’être un « autocrate » au point de menacer la stabilité du pays.
Fin mai, après avoir « longuement réfléchi », Ian Khama a pris la décision « très douloureuse » de quitter le Parti démocratique du Botswana (BDP), au pouvoir depuis l’indépendance en 1966. Le point d’orgue d’un conflit latent depuis des mois avec le président Masisi.
Ce choix a été dicté par le comportement « immature et arrogant » du gouvernement en place, explique l’ancien chef de l’Etat de 66 ans dans un entretien téléphonique à l’AFP.
Connu pour son franc-parler quand il était au pouvoir, notamment contre le président américain Donald Trump et Robert Mugabe, l’homme fort alors du Zimbabwe, Ian Khama se montre aujourd’hui aussi direct à l’égard de son successeur.
« La personne que j’ai nommée pour me remplacer s’est révélée, dès son arrivée au pouvoir, très autocrate, très intolérante, et cela a conduit à un déclin de la démocratie », estime-t-il.
Fils du premier président du pays Seretse Khama, Ian Khama a quitté ses fonctions en avril 2018 dans le respect de la Constitution qui limite à dix ans le règne des présidents.
Il a alors passé le relais à son vice-président Mokgweetsi Masisi. Mais les relations entre les deux hommes se sont depuis dégradées. Au point que le week-end dernier, en quittant le BDP, Ian Khama a fait de la défaite de son ancien parti aux élections générales d’octobre sa priorité.
Il n’a pas rejoint d’autre formation, annonçant qu’il soutiendrait des candidats de l’opposition.
L’hostilité désormais frontale entre les deux dirigeants risque de modifier la donne des élections, qui semblaient jusque-là promises à Mokgweetsi Masisi.
Des responsables du BDP voient dans le président Masisi « un handicap » et craignent « une défaite électorale », assure Ian Khama.
Le BDP ne se dit pas étonné par cette défection qu’il juge « dommage ». Mais il refuse de s’apesantir sur le sujet. « Nous devons avancer en cette année électorale », réagit samedi à l’AFP le président du parti Banks Kentse, sûr de l’emporter en octobre.
– Chasse aux éléphants –
Ian Khama se dit surpris par la politique de son successeur. « Quand il était mon vice-président (…), il n’a jamais fait étalage des problèmes que nous voyons maintenant. (Il a) toujours été très intelligent, il a toujours soutenu les politiques qu’il détricote maintenant », affirme-t-il.
Depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir, Mokgweetsi Masisi a pris des décisions modifiant plusieurs politiques clés de son prédécesseur, dont la plus emblématique est le rétablissement de la chasse aux éléphants, suspendue depuis 2014.
« Pour moi, c’est tellement triste et douloureux de voir le travail de toutes ces années détricoté », explique Ian Khama.
Le Botswana, qui abrite la plus grande population d’éléphants sauvages au monde, soit plus de 135.000, a fait la Une de la presse internationale en mai en levant l’interdiction de la chasse aux éléphants, provoquant des réactions passionnées.
« On a eu la stabilité pendant de nombreuses années. On a eu de la faune pendant de nombreuses années. On a essayé de jouer notre rôle en tant que membre responsable de la communauté internationale en encourageant la démocratie (…) Tout le dur travail accompli est remis en cause, c’est inacceptable », s’emporte Ian Khama.
Le président Masisi « répond simplement aux besoins des gens », lui rétorque Banks Kentse.
Le rétablissement de la chasse doit permettre de mieux contrôler la population des éléphants qui provoquent d’importants dégâts dans les champs, explique le gouvernement.
Ian Khama accuse également le nouveau président de réprimer l’opposition. « Les organes de sécurité de l’Etat s’en prennent aux opposants, les harcèlent (…). On n’a jamais vu ça au Botswana », affirme-t-il.
Pour le BDP, ces critiques sont « fâcheuses ». « Le président Masisi va faire » du Botswana « un Etat démocratique, très stable politiquement et économiquement. Rien ne va changer« , assure Banks Kentse.