Le procès du groupe Bourbon, spécialisé dans les services maritimes à l’industrie pétrolière, et de huit de ses « cols blancs » poursuivis pour « corruption » d’agents du fisc en Afrique, s’est ouvert lundi mais pourrait être remis en question en raison de vices de procédures soulevés par les avocats.
A peine une heure après l’ouverture des débats devant le tribunal correctionnel de Marseille, la présidente a annoncé une suspension d’audience jusqu’à 17H00 afin d’examiner les arguments des avocats de la défense qui ont notamment pointé l' »irrégularité » de l’ordonnance de renvoi de leurs clients et soulevé sa nullité.
Ils reprochent au juge d’instruction d’avoir rendu le document de 176 pages avec deux jours d’avance sur le délai légal qui est d’un mois minimum, les privant de la possibilité de déposer de dernières observations.
« Quel est l’objectif de cette demande ? Gagner du temps », s’est interrogé le procureur Ludovic Leclerc, s’attirant les foudres d’Emmanuel Daoud, l’avocat d’un des prévenus, qui a fustigé « des insinuations insupportables ».
L’enjeu est de taille pour la société cotée en Bourse poursuivie pour « corruption active d’agents publics étrangers » en tant que personne morale et les trois principaux dirigeants du groupe dont le siège est Marseille: Gaël Bodénès, directeur général actuel de la société, celui de l’époque des faits Christian Lefevre, ainsi que Laurent Renard, directeur général adjoint.
– 250.000 dollars en billets de 100 –
A l’annonce de leurs noms, les huit prévenus en costume sombre et chemise claire, âgés de 47 à 61 ans, se sont alignés sur le banc. Au milieu d’eux, nerveux, Marc Cherqui, directeur financier par qui l’affaire a éclaté. Avant que ne débute l’audience, l’ancien salarié, poursuivi avec quatre autres cadres pour « complicité de corruption » s’était isolé de ses supérieurs hiérarchiques.
Le 19 octobre 2012, de retour d’un voyage d’affaires au Nigeria, M. Cherqui atterrit à l’aéroport de Marseille-Marignane, mais n’arrive pas à remettre la main sur son bagage dont il s’empresse de déclarer la perte. Et pour cause, la valise qui a été retrouvée et a été confiée aux douanes, contient, rangés en liasses de 100 dollars, quelque 250.000 dollars.
L’enquête va mettre au jour selon l’accusation un vaste système de corruption: l’accusation pointe « une volonté assumée » par le groupe qui pèse 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et « qui ne paye aucun impôt en France, de se soustraire au paiement des impôts légitimement dus », en l’occurrence au Nigeria, en Guinée équatoriale et au Cameroun, en soudoyant des agents de recouvrement en cas de redressement pour un montant total estimé en 2011 et 2012 à environ 3 millions de dollars.
« J’ai agi sur ordre, je n’étais pas un négociateur », a assuré auprès des journalistes Marc Cherqui, souhaitant que le procès se tienne « pour retrouver une vie normale ». « Bourbon m’a mis à genou, il a sali mon nom et pris pour bouc émissaire », a déploré le directeur financier qui assure avoir été renvoyé de tous ses emplois moins de 15 jours plus tard après des dénonciations.
M. Cherqui a agi « pour son compte personnel », avait souligné auprès de l’AFP l’avocat de Bourbon Me Ludovic Malgrain, arguant qu’il n’y avait pas eu d’argent sorti de Bourbon ni d’aucune de ses filiales.
Le fond du dossier devrait être abordé mardi si le procès prévu jusqu’au 27 mars a bien lieu.