vendredi, novembre 22, 2024
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La guerre de Kivu : un conflit oublié au coeur de l'Afrique

Le Kivu, région de l’est de la République démocratique du Congo qui vient d’inspirer une bande dessinée, continue de subir des conflits oubliés nés des conséquences du génocide rwandais et de la ruée vers un minerai indispensable au téléphone portable.
Pas plus tard que samedi soir, au moins 16 personnes dont 12 civils ont été tuées à Beni (Nord-Kivu) dans une attaque attribuée à l’un des groupes armés les plus nuisibles de la région, les Allied Democratic Forces (ADF) d’origine ougandaise.
Même si elles ne sont pas toutes aussi meurtrières, ces violences sont quasi quotidiennes. Le Groupe d’études sur le Congo de l’université de New York a recensé 134 groupes armés actifs dans le Nord et le Sud Kivu, région de hauts plateaux verdoyants dont la ressource minérale (le coltan) nourrit le trafic des milices depuis 25 ans.
A l’approche des élections présidentielle, législatives et provinciales prévues le 23 décembre, la situation sécuritaire dans la région reste « perturbée par des attaques multiples contre les forces gouvernementales », souligne la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), la plus importante au monde.

Dans les deux provinces frontalières de quatre pays (Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie) et autant de lacs (Albert, Edouard, Kivu, Tanganyika), ce sont surtout les civils qui souffrent: prises d’otage, meurtres, pillages et incendies de villages.

Et parmi les civils, les femmes et les enfants sont encore victimes de viols et de mutilations. Citée dans la BD, la clinique du célèbre gynécologue congolais Denis Mukwege ne désemplit pas à Bukavu-Panzi (Sud-Kivu).
Les conflits du Kivu font rarement les unes des médias internationaux, sauf à l’occasion d’un pic de violences comme le massacre de 15 casques bleus tanzaniens en décembre dernier.
« Le conflit est sciemment oublié ou minimisé par la communauté internationale qui fait preuve d’une sorte de cécité délibérée », déplore Omar Kavota, directeur du Centre d’études pour la paix, la démocratie et les droits de l’Homme (Cepadho), une ONG basée dans la province du Nord-Kivu.

Le Kivu a basculé en 1994, quand des centaines de milliers de Hutus rwandais se sont réfugiés dans l’est de l’ex-Zaïre après le génocide des Tutsis et les tueries de Hutus modérés (800.000 morts), et la contre-offensive victorieuse de la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) venue d’Ouganda.

Nouvel homme fort du Rwanda, le Tutsi Paul Kagame soutient alors la rébellion congolaise de Laurent-Désiré Kabila pour renverser le maréchal Mobutu en mai 1997.
Au passage, les hommes de Kagame ont réglé leur compte avec les Hutus réfugiés au Congo, parmi lesquels se trouvent des auteurs du génocide mais surtout des civils: « Pendant la progression des troupes d’invasion, on a estimé que 200.000 à 300.000 réfugiés hutus ont été massacrés », écrit l’auteur belge David Van Reybrouck dans sa somme « Congo, une histoire ».
Au coeur de la région des Grands-Lacs, l’est de la nouvelle RDC a sombré dans deux guerres entre 1996 et 2003, avec un retournement d’alliance de Kinshasa contre le Rwanda et l’Ouganda.
Le conflit et ses conséquences (maladie, famine…), pourrait avoir fait des millions de morts.
-« Minerai de sang »-
Ces guerres sont contemporaines de l’explosion de l’industrie du téléphone portable. De nombreux rapports ont qualifié le coltan de « minerai de sang » alimentant les groupes armés et la violence au Kivu.
Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), nombre de groupes d’autodéfense congolais – les rebelles « Maï Maï » – ont été armés par le pouvoir pour combattre les envahisseurs ougandais ou rwandais. Certains n’ont jamais désarmé.
Un quart de siècle plus tard, le Rwanda et l’Ouganda n’interviennent plus directement sur le sol congolais, et le nombre de victimes a changé d’échelle. Mais la violence et l’instabilité menacent la vie de millions de Congolais dans cette région de 125.000 km2 densément peuplée (6,41 millions d’électeurs sur les quelque 40 millions d’électeurs recensés).

En août, le Groupe d’études sur le Congo a recensé 49 morts violentes, 103 enlèvements et kidnappings, et 32 affrontements entre belligérants.

Historiquement opposé au régime du président ougandais, Yoweri Museveni, les ADF ont massacré des centaines de personnes dans la région de Beni depuis 2014, sans revendication précise.
Les Forces de libération du Rwanda (FDLR, d’inspiration hutu rwandaise) et les divers groupes congolais hutus, nande ou hundu sont régulièrement accusés de s’attaquer aux civils ou à l’armée.
Depuis 1999, la Monusco (quelque 16.000 hommes) tente d’éteindre avec l’armée congolaise les feux multiples de la poudrière du Kivu.

La Monusco a été ouvertement critiquée en début d’année par le président congolais Joseph Kabila pour son inefficacité face aux groupes armés dans cette guerre « asymétrique ».

Des officiers congolais ont été accusés de complicité avec les groupes qu’ils étaient supposés combattre, comme le général Mundos, dénoncé par les Nations unies pour son rôle dans les massacres de Beni attribués aux ADF.

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