Le chauffeur d’un haut fonctionnaire argentin inscrivait chaque remise de valise de dollars de pots-de-vin sur des cahiers d’écoliers, qui sont finalement tombés entre les mains de la justice, déclenchant un scandale de corruption d’une grande ampleur en Argentine.
Plus d’une dizaine de personnes ont été arrêtées mercredi et étaient interrogées depuis par les enquêteurs.
Ce n’est pas le premier cas de corruption visant l’administration de Nestor et Cristina Kirchner, loin de là, mais pour la première fois, plusieurs chefs d’entreprise ont été placés en détention, dont le patron d’une société du Groupe Macri, fondé par Franco Macri, le père de l’actuel président argentin Mauricio Macri.
« Le système de corruption Kirchner a déjà été mis en évidence, cette affaire vient confirmer la matrice de corruption. Et que les hautes sphères du pouvoir avaient établi des mécanismes, un engrenage pour une corruption gigantesque », a déclaré à l’AFP Leandro Despouy, ex-président de la Cour des comptes.
D’après les écrits du chauffeur du ministère argentin de la Planification, Oscar Centeno, un ancien militaire, des sacs d’argent liquide étaient remis entre 2005 et 2015 par des entreprises au ministère, avant d’être livrés à divers endroit de Buenos Aires, dont la résidence présidentielle de Nestor et Cristina Kirchner.
– 160 millions de dollars au total –
Arrêté mercredi, Centeno a opté jeudi lors de son audition par le juge pour le statut de témoin protégé et a décidé de collaborer avec la justice. Il était le chauffeur de Roberto Baratta, un homme de confiance du ministre de la Planification, Julio De Vido.
D’après le parquet, « 160 millions de dollars en liquide » ont été transportés dans des sacs provenant de pots-de-vin versés par des entreprises en échange de marchés publics.
« Je crois que cela va être un grand scandale de corruption. C’est peut-être le début d’un +lavajato+ (lavage express) en Argentine. Ce cas revêt une importance singulière. Il implique un grand nombre de chefs d’entreprise, et pas seulement des fonctionnaires », fait remarquer Leandro Despouy.
D’après lui, les chefs d’entreprises vont probablement collaborer avec la justice et révéler avoir été victimes d’extorsion de la part de l’Etat.
Dans cette affaire, l’ex-présidente de gauche Cristina Kirchner est convoquée le 13 août devant le juge.
– Kirchner convoquée –
D’après le site d’information argentin Infobae, le juge va demander au Sénat la levée de l’immunité parlementaire de Mme Kirchner, désormais sénatrice, la considérant « cheffe d’une association de malfaiteurs ».
Cristina Kirchner, 65 ans, est la principale figure de l’opposition au président Mauricio Macri. Etant limitée à deux mandats consécutifs, elle ne s’est pas présentée en 2015 mais pourrait briguer un troisième mandat en 2019.
Outre Baratta et d’autres fonctionnaires du ministère de la Planification, les chefs d’entreprise Gerardo Ferreyra, d’Electroingenieria, et Javier Sanchez Caballero, de IECSA, société de BTP qui appartenait alors à un cousin du président Mauricio Macri, ont été arrêtés.
« Je n’ai jamais versé de pots-de-vin. C’est une cirque médiatique », s’est défendu M. Ferreyra, menottes aux poignets.
C’est le journal argentin La Nacion qui a révélé cette affaire de corruption présumée après avoir mystérieusement reçu les 8 cahiers recensant les versements occultes.
La vague d’arrestations s’est produite à la suite de la déposition de l’ex-épouse du chauffeur.
Cristina Kirchner a déjà été inculpée dans plusieurs affaires et plusieurs de ses proches sont en prison pour des soupçons de corruption.
Le plus célèbre est Julio Lopez, vice-ministre de la Planification de 2003 à 2015, pris en flagrant délit en juin 2016 alors qu’il tentait de dissimuler neuf millions de dollars en liquide dans un couvent près de Buenos Aires. Il est actuellement jugé.
Autre personnage-clé du Kirchnérisme, Lazaro Baez, le roi du bâtiment et des travaux publics (BTP) de la province de Santa Cruz, fief des Kirchner, est soupçonné d’avoir bénéficié de contrats publics en échange de dessous de table. Il est en prison, en compagnie de Ricardo Jaime, ancien ministre des Transports de Nestor Kirchner, président de 2003 à 2007.