
Grâce à son retour d’expérience en Afghanistan, la France a mené une « guerre rapide et efficace » de libération du Mali qui a retrouvé en quelques mois seulement son intégrité territoriale et surtout ses institutions grâce à l’organisation d’élections présidentielles et législatives.
Les spécialistes de la géopolitique sont unanimes sur un point, «si la France n’était pas intervenue à temps, le Mali serait devenu un Etat théocratique après la prise du pouvoir, à terme, par la nébuleuse djihadiste.» Pis, ils auraient certainement cherché à étendre leur sanctuaire aux sept pays frontaliers que sont l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée et la Côte d’Ivoire. C’est du moins, le point de vue du Pr André Bourgeot, Anthropologue et Directeur de Recherche au Cnrs (Centre national de recherche scientifique) et spécialiste de l’Afrique Saharo-Sahélienne.
Acte 2, l’intervention en cours en République Centrafricaine (RCA) où la présence des 1600 soldats français est légitimée par la résolution 2127 du Conseil de sécurité de l’Onu en soutien aux 2500 militaires africains. Ici également, l’armée française a reçu pour ordre de « faire cesser les exactions et les massacres contre les populations civiles, de désarmer tous les groupes armés, de permettre aux autorités centrafricaines de reprendre le contrôle du territoire et de défendre les populations et de conclure cette opération militaire par la tenue d’élection comme au Mali» a rappelé François Hollande lors du Sommet de l’Elysée pour la Paix et la Sécurité en Afrique tenu récemment à Paris les 6 et 7 décembre derniers.
Même si le président français n’a de cesse de répéter à ces homologues africains que « l’Afrique devrait assurer, elle-même, sa propre sécurité » et que «c’est un principe fondamental, il n’y a pas de continent qui ne puisse assurer par lui-même son destin», il cache mal les intentions inavouées de son pays.
Pour les experts, ce retour stratégique de la France en Afrique par la voie militaire témoigne d’une compétition de plus en plus rapprochée entre les puissances y compris avec les Etats-Unis et la Chine. Le cas du Mali est édifiant. Avant l’intervention de l’opération « Serval », la France occupait la troisième position derrière les Etats-Unis au titre des relations commerciales avec ce pays. Même constat dans la plupart de ses pré-carrés où elle continue de perdre énormément des marchés au profit des pays émergents qui offrent des possibilités d’investissements moins contraignants et à bas coût. « Les Chinois sont souvent plus compétitifs que les puissances occidentales. D’où le fait qu’ils se ramifient sur l’ensemble de l’Afrique au-delà des industries extractives » fait remarquer le Pr André Bourgeot du Cnrs. Idem pour les autres Etats membres des Brics – Brésil, Russie, Inde et l’Afrique du Sud – qui mènent une offensive diplomatique et économique similaire à celle de la Chine. Et, ça marche !
Lors du Sommet de Paris, l’on a pu s’en apercevoir de la gêne de François Hollande qui a effectivement reconnu, à demi-mot, que «la France a perdu des parts de marché en Afrique alors même que le continent africain a connu une croissance.» Il a évoqué deux raisons pour expliquer cette situation regrettable. «La première, c’est que longtemps, la France a considéré l’Afrique comme si elle gardait des positions qui étaient acquises pour toujours parce qu’il y a une histoire, un héritage. La présence déjà d’entreprises sur le sol africain faisait qu’il y avait des marchés qui devaient venir spontanément vers nous. Eh bien non ! L’Afrique quand elle se développe, elle va vers les entreprises qui présentent les meilleurs prix et qualités» explique-t-il.
Pour remédier à ce recul de la France sur le continent noir, François Hollande a fait des recommandations aux patrons français. «Si nous voulons regagner des parts de marché, si nous voulons doubler le niveau de nos échanges avec l’Afrique, les entreprises françaises doivent investir davantage en Afrique et notamment dans les secteurs qui ne sont pas simplement les ressources naturelles mais leur transformation, les infrastructures, les énergies et les nouvelles technologies» conseille-t-il.
Avant de conclure en ces termes : «nous avons cette obligation d’être plus présents sur le sol africain dans l’intérêt de l’Afrique et de la France.»
Voilà qui est dit. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, le but des opérations militaires françaises ordonnées par François Hollande, hier au Mali, et aujourd’hui en RCA, est de permettre à la France de gagner de nouveaux marchés, et surtout de se réimplanter durablement sur le plan militaire en Afrique pour préserver ses intérêts.
Clément Yao
Editorial Diasporas News
Paru dans le Diasporas-News N°47 de Décembre 2013
Les spécialistes de la géopolitique sont unanimes sur un point, «si la France n’était pas intervenue à temps, le Mali serait devenu un Etat théocratique après la prise du pouvoir, à terme, par la nébuleuse djihadiste.» Pis, ils auraient certainement cherché à étendre leur sanctuaire aux sept pays frontaliers que sont l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée et la Côte d’Ivoire. C’est du moins, le point de vue du Pr André Bourgeot, Anthropologue et Directeur de Recherche au Cnrs (Centre national de recherche scientifique) et spécialiste de l’Afrique Saharo-Sahélienne.
Acte 2, l’intervention en cours en République Centrafricaine (RCA) où la présence des 1600 soldats français est légitimée par la résolution 2127 du Conseil de sécurité de l’Onu en soutien aux 2500 militaires africains. Ici également, l’armée française a reçu pour ordre de « faire cesser les exactions et les massacres contre les populations civiles, de désarmer tous les groupes armés, de permettre aux autorités centrafricaines de reprendre le contrôle du territoire et de défendre les populations et de conclure cette opération militaire par la tenue d’élection comme au Mali» a rappelé François Hollande lors du Sommet de l’Elysée pour la Paix et la Sécurité en Afrique tenu récemment à Paris les 6 et 7 décembre derniers.
Même si le président français n’a de cesse de répéter à ces homologues africains que « l’Afrique devrait assurer, elle-même, sa propre sécurité » et que «c’est un principe fondamental, il n’y a pas de continent qui ne puisse assurer par lui-même son destin», il cache mal les intentions inavouées de son pays.
Pour les experts, ce retour stratégique de la France en Afrique par la voie militaire témoigne d’une compétition de plus en plus rapprochée entre les puissances y compris avec les Etats-Unis et la Chine. Le cas du Mali est édifiant. Avant l’intervention de l’opération « Serval », la France occupait la troisième position derrière les Etats-Unis au titre des relations commerciales avec ce pays. Même constat dans la plupart de ses pré-carrés où elle continue de perdre énormément des marchés au profit des pays émergents qui offrent des possibilités d’investissements moins contraignants et à bas coût. « Les Chinois sont souvent plus compétitifs que les puissances occidentales. D’où le fait qu’ils se ramifient sur l’ensemble de l’Afrique au-delà des industries extractives » fait remarquer le Pr André Bourgeot du Cnrs. Idem pour les autres Etats membres des Brics – Brésil, Russie, Inde et l’Afrique du Sud – qui mènent une offensive diplomatique et économique similaire à celle de la Chine. Et, ça marche !
Lors du Sommet de Paris, l’on a pu s’en apercevoir de la gêne de François Hollande qui a effectivement reconnu, à demi-mot, que «la France a perdu des parts de marché en Afrique alors même que le continent africain a connu une croissance.» Il a évoqué deux raisons pour expliquer cette situation regrettable. «La première, c’est que longtemps, la France a considéré l’Afrique comme si elle gardait des positions qui étaient acquises pour toujours parce qu’il y a une histoire, un héritage. La présence déjà d’entreprises sur le sol africain faisait qu’il y avait des marchés qui devaient venir spontanément vers nous. Eh bien non ! L’Afrique quand elle se développe, elle va vers les entreprises qui présentent les meilleurs prix et qualités» explique-t-il.
Pour remédier à ce recul de la France sur le continent noir, François Hollande a fait des recommandations aux patrons français. «Si nous voulons regagner des parts de marché, si nous voulons doubler le niveau de nos échanges avec l’Afrique, les entreprises françaises doivent investir davantage en Afrique et notamment dans les secteurs qui ne sont pas simplement les ressources naturelles mais leur transformation, les infrastructures, les énergies et les nouvelles technologies» conseille-t-il.
Avant de conclure en ces termes : «nous avons cette obligation d’être plus présents sur le sol africain dans l’intérêt de l’Afrique et de la France.»
Voilà qui est dit. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, le but des opérations militaires françaises ordonnées par François Hollande, hier au Mali, et aujourd’hui en RCA, est de permettre à la France de gagner de nouveaux marchés, et surtout de se réimplanter durablement sur le plan militaire en Afrique pour préserver ses intérêts.
Clément Yao
Editorial Diasporas News
Paru dans le Diasporas-News N°47 de Décembre 2013