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RDC : la der des ders du M23 ?

RDC : la der des ders du M23 ?
L’éphémère chevauché du Mouvement du 23 mars 2009 (M23) s’est fracassée sur les contreforts des collines de Chanzu et de Runyonyi au début du mois de novembre dernier. Les Forces Armées de la RDC (FARDC) ont pu enfin venir à bout de cette insurrection dans la province Est ; un conflit qui a fait quelques 900 morts en moins d’un an. Cette victoire reste certes congolaise mais force est de constater que l’appui logistique et militaire de la brigade d’intervention de la MONUSCO – force d’interposition onusienne – s’est révélé décisif dans cette offensive. Le mandat du Conseil de Sécurité, sous résolution n°2098, a complètement modifié la donne sur le terrain. Il stipule l’élimination de toutes les forces négatives qui entraveraient ou menaceraient la paix en RDC. La MONUSCO, réputée pour sa neutralité, a changé de fusil d’épaule en engageant des hélicoptères et des blindés dans la bataille. C’est ainsi que la FARDC affaiblie, par la mise sous embargo d’importation d’armes depuis 2005, a vaincu la résistance d’une rébellion soutenue par ses voisins, en l’occurrence la Rwanda et l’Ouganda.

Et pourtant, il y a à peine un an, la ville de Goma était encore une fois tombée entre les mains des rebelles. La chute de cette agglomération de 800.000 âmes du Nord-Kivu symbolise, dans l’inconscient collectif congolais, l’humiliation des années sombres. D’abord, en 1998 lorsque le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) – un cheval de Troie ougando-rwandais – prit cette même ville. Ce siège dura cinq ans et toute la province du Kivu a été mise également en coupe réglée par les forces d’occupation pro-rwandaises. Ensuite en 2008, lorsque les troupes du général Laurent Nkunda du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), soutenu toujours par le président Paul Kagamé, avait fait sauter le verrou stratégique de Sake qui ouvre la voie vers la capitale du Nord-Est. Il menaça de prendre la ville de Goma et l’armée congolaise avait déjà abandonné la population à son triste sort. Et en 2012, le M23, une émanation du CNDP, appliqua le même mode opératoire : offensive rapide à partir de ses bases dans le territoire du Rutshuru en juillet, avec à la clé la chute du poste frontière de Bunagana ; ensuite prise de position à l’entrée de Goma vers le mois de novembre de la même année. Sauf que cette fois-ci, les rebelles ont décidé d’investir les faubourgs de la ville. Les 2.000 hommes de la FARDC, qui n’ont pas eu le temps de prendre la poudre d’escampette, se sont alors rendus et ont dû porter allégeance aux nouveaux maîtres des lieux ; sans compter les 350 soldats fait prisonniers lors de leur avancée. Sultani Makenga, le chef militaire du M23, décida alors de poursuivre l’insurrection vers le Sud et pourquoi pas jusqu’à Kinshasa, s’enhardit-il ?
Cette victoire militaire contraignît le gouvernement congolais à négocier sous l’égide de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Elle ouvrira le début du cycle de pourparlers de Kampala dont le premier s’est tenu le 9 décembre 2012. Les revendications des représentants du M23 étaient difficilement conciliables avec les réalités politiques de la RDC. Plutôt que de demander une meilleure réintégration de ses éléments au sein de la FARDC, ils ont en effet, d’une part, exigé un nouveau découpage territorial et administratif de l’Est de la RDC ; et d’autre part, remis en cause les élections présidentielles de 2011 ; donc la légitimité du président Joseph Kabila.
 
L’intervention de la communauté internationale
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Sans l’activisme du Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki Moon, et la volonté de certains pays voisins, la situation était mal engagée pour le président Joseph Kabila. Car, comment un groupe rebelle de 2.000 hommes peut-il mettre en déroute une armée régulière ? Leurs équipements très récents – 4X4, armes lourdes – et même les uniformes neufs que portaient les combattants du M23 leur ont conféré une supériorité militaire ; et donc d’être en position de force pour négocier face au gouvernement congolais. A contrario, cela trahissait également le soutien logistique des deux pays limitrophes c’est-à-dire l’Ouganda et surtout le Rwanda pour ce qui s’apparentait à une manœuvre de déstabilisation de leur voisin. Les rapports des ONG et des experts onusiens ont apporté des preuves irréfutables de cette collusion. Il a fallu la persévérance d’un Ban Ki Moon, le Secrétaire Général de l’ONU, pour que les 11 pays du CIRGL acceptent de signer l’accord dit d’Addis-Abeba, en février 2013, pour la pacification de l’Est de la RDC.
Cette pression internationale, qui s’est traduite sur le terrain par un renforcement des casques bleus, a eu une double conséquence. D’abord une scission au sein même du M23 entre Sultani Makenga et Jean-Marie Runiga ; le premier reprochant au second de protéger le criminel de guerre Bosco Ntaganda, recherché par la CPI. Ensuite, cette rivalité s’est étalée au grand jour dans les rangs de la délégation du M23 aux négociations de Kampala. Dès lors, le M23 n’a cessé de perdre du terrain face à l’offensive de l’armée légaliste et de la MONUSCO. En août dernier, les rebelles ont dû abandonner la ligne de front de Goma pour se replier dans les forêts luxuriantes de Rutshuru. L’assaut final a eu lieu à la fin du mois d’octobre après une trêve de deux mois. La colline de Chanzu tomba après une dizaine de jours de combats violents. Et le M23 annonça le 5 novembre la cessation des combats ainsi que la poursuite de la lutte sur le terrain politique.
 
Le sort des combattants du M23
RDC : la der des ders du M23 ?

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Des centaines de combattants du M23 se sont rendus à la MONUSCO et à la FARDC avant un ultimatum lancé le 25 octobre. Cette catégorie pourrait ultérieurement bénéficié d’un programme de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR). Ceux qui ont traversé la frontière rwandaise ont été pris en charge par la Croix-Rouge. Ils sont arrivés par vague successive et pour la plupart blessés, preuve de la violence des combats avant la fin du conflit. Les chiffres officiels font état d’une centaine de miliciens. La tradition judiciaire rwandaise n’a jamais e
xtradé ses ressortissants ; donc les ex-rebelles seront tôt ou tard libres de leur mouvement.
L’Ouganda reste le terrain de repli le plus important des rebelles du mouvement. Vers le début du mois de novembre, le porte-parole du gouvernement ougandais déclara qu’« ils avaient reçu à peu près 1.600 commandants et combattants du M23 qui ont traversé la frontière depuis trois semaines en groupes de dix, vingt ou trente, y compris leur commandant, le général Sultani Makenga. ». Pour Kampala, Hors de question de les livrer à la RDC. Ils seraient installés dans des camps de transit en attendant la signature d’accords entre le gouvernement congolais et les représentants politiques du M23. Les négociations sont dans l’impasse car la RDC a rejeté la possibilité d’une amnistie collective. Alors que pour Roger Lumbala, membre de la délégation du M23 à Kampala, cette défaite militaire ne signifie aucunement une dissolution du mouvement rebelle. Il forme le vœu de le transformer en parti politique, et ce grâce à la pression de la communauté internationale afin que Kinshasa respecte ses engagements.
 
Les ballets diplomatiques
Quelques jours avant la déroute du M23, un sommet extraordinaire s’était tenu en Afrique du Sud. Il s’agissait d’accorder les violons des organisations des sous-régions c’est-à-dire le CIRGL et la SADC (organisation de développement d’Afrique Australe). Chaque pays était représenté par son chef d’Etat respectif sauf le Rwanda qui a préféré déléguer son ministre des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo. Outre la recherche d’un consensus aux pourparlers de Kampala, l’objectif de la réunion était de trouver une porte de sortie politique et diplomatique honorable au conflit et surtout comment ne pas trop humilier les « parrains » du M23 c’est-à-dire l’Ouganda et le Rwanda. Le président tanzanien Jakaya Kikwete est, rappelons-le, l’adversaire le plus farouche de Paul Kagamé dans le règlement de ce conflit. Dar-Es-Salam était le plus grand pourvoyeur de soldats du contingent de la MONUSCO, pour ce dernier acte de l’offensive militaire.

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Quant à Mary Robinson, l’Envoyée spéciale du Secrétaire Général de l’ONU et l’émissaire américain Russ Feingold, ils avaient un agenda différent. Ils ont pressé tous les protagonistes – le CIRGL et la puissance invitante – pour la signature d’un accord dès le 12 novembre. L’empressement des diplomates occidentaux obéissait davantage à une logique de sécurisation de l’Est de la RDC en mettant hors d’état de nuire tous les mouvements rebelles. Et donc, il importe, d’après ces envoyés spéciaux, de traduire les ténors du M23 auprès d’une justice internationale ; mais également de traquer les autres milices (Mai-Mai et FDLR entre autres). La présence onusienne en RDC est très budgétivore : 2 milliards $ par an soit 25% de l’enveloppe totale consacrée au maintien de la paix dans le monde ! L’ONU est intervenue sans discontinuer en RDC depuis 13 ans et souhaiterait achever sa mission sur une note positive.

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Tournée triomphale de Joseph Kabila
10 jours après le cessez-le-feu, parti de Kinshasa en voiture, le président de la République a effectué une tournée de 1.000 km vers l’Est du pays. Les villes étapes ont été soigneusement choisies pour leur charge symbolique, marque d’un retour de l’autorité centrale. Mais surtout c’est en tant que chef suprême de l’armée qu’il a foulé la colline de Chanzu, point d’orgue d’une bataille homérique livrée par les hommes FARDC face aux rebelles.
Reste à relancer le processus de paix avec les ennemies d’hier ; telle fut sans doute le but de sa visite en terre ougandaise, le 2 décembre dernier. Les négociations entre le gouvernement congolais et les représentants politiques du M23 ont été suspendues depuis le 11 novembre. La RDC, voulant transformée l’essai, souhaitait un « accord de paix » ; tandis que le M23 se contenterait d’une simple « déclaration ». Au sortir de son entretien avec le président Yoweri Museveni, le chef d’Etat congolais affirmait « qu’une déclaration pourrait être signée pour sanctionner ces pourparlers, d’ici le 15 décembre ».
Cette instabilité récurrente dans l’Est de la RDC dure maintenant depuis la fin des années 1990 c’est-à-dire à la suite du renversement du maréchal Mobutu. Pour avoir aidé Laurent Désiré Kabila à conquérir le pouvoir, l’Ouganda et le Rwanda n’ont cessé de réclamer leur part du butin : les ressources naturelles mitoyennes de leurs frontières. Historiquement, et bien avant la colonisation il y eu des mouvements migratoires au bord du lac Kivu. Les délimitations frontalières issues de la conférence de Berlin en 1885 ont complexifié la coexistence pacifique entre les différentes populations de cette région. Des rwandais – tutsis ou hutus – ont même acquis la nationalité congolaise du temps de Mobutu Sese Seko. Pour une paix durable dans cette région, l’élimination des forces négatives, selon la définition de l’ONU, reste une première étape. Mais à plus long terme, des séries de discussion doivent être engagées. Il définira les contours de la représentation politique des communautés, la redistribution des terres et surtout le contrôle des ressources minières.
 
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°47 de Décembre 2013

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