Pendant plus d’une heure, il a scruté les listes placardées sur les murs du consulat à Bagnolet, près de Paris. En vain.
« J’ai perdu trois jours de travail », regrette cet agent d’entretien de 48 ans, qui a cherché son nom à l’ambassade et à une troisième adresse parisienne où des listes sont aussi affichées.
A l’approche du premier tour de la présidentielle, la colère gronde chez des milliers de Maliens de France, qui faute d’obtenir la carte d’identification biométrique faisant office de carte d’électeur, ne pourront participer à ce scrutin crucial, censé sortir le Mali de la crise.
Au premier étage du consulat, des dizaines de personnes consultent, parfois sur la pointe des pieds, parfois courbées au sol, les « listes d’électeurs potentiels », dans l’espoir d’y trouver leur nom ou leur photo.
Sur le trottoir, Cheikh Oumar N’Diaye, mallette à la main, tempête: « C’est quand même un comble: je suis président de bureau de vote à Saint-Denis et ça fait deux semaines que je cherche ma carte ! J’ai cherché sur le site de la direction générale des élections, je n’ai rien trouvé, je n’existe pas! »
« Ça fait une heure que je cherche sur les listes, j’ai mal aux genoux, il faut s’accroupir ! Abana ! (« ça suffit ! » en malinké) », s’emporte un autre, lui aussi bredouille.
Selon le consulat, 200.000 Maliens en situation régulière vivent en France, représentant la première communauté malienne hors d’Afrique, mais seuls 81.000 d’entre eux ont été enregistrés en 2010 lors du dernier recensement malien et le consulat n’a reçu au total que « 29.000 cartes dont environ la moitié a été distribuée à ce jour », a précisé mardi à l’AFP le consul général, Mangal Traoré.
« erreurs techniques »
Interrogé, l’ambassadeur Boubacar Sidiki Touré reconnaît un « problème national » et « des erreurs techniques » tant au niveau du recensement que du fichier électoral qui en a été extrait.
Résultat : plusieurs dizaines de milliers de Maliens de France seront privés de scrutin. « Une minorité va pouvoir voter », admet le consul qui souligne que « les gens étaient particulièrement motivés pour cette élection, d’où leur très grande frustration ».
Toutefois, « cela ne remet pas en cause la crédibilité du scrutin », insiste-t-il, rappelant que le Mali compte au total 6,8 millions d’électeurs inscrits.
« Les gens ont l’impression qu’on tente de leur voler l’élection », constate néanmoins Moussa Gory, représentant en France de Konimba Sidibé, l’un des candidats, venu battre campagne à Montreuil, banlieue parisienne parfois surnommée « la deuxième ville du Mali » en raison de l’importance de la communauté immigrée malienne.
« Dans les foyers de travailleurs, il y a un engouement pour les élections, mais les gens se plaignent car ils n’ont pas leur carte », souligne-t-il.
Même lui, qui dit « mouiller la chemise » toute la journée pour son favori, ne pourra pas voter : il n’a pas reçu le sésame, contrairement à sa femme et à ses enfants, franco-maliens.
« Depuis une semaine, c’est le défilé » des représentants des candidats, témoigne un habitant, au milieu des étals de fortune débordant de mangues et dattes.
Pour Moussa Sow, 40 ans, peu importe le résultat: tout ce qu’il veut, c’est que le Mali ait un président élu et qu’enfin, « il sorte le pays de la merde ».
afp