Le pape François et son prédécesseur Benoît XVI se sont retrouvés samedi dans la résidence pontificale d’été de Castel Gandolfo, au sud de Rome, pour une rencontre inédite dans l’histoire de l’Eglise catholique, confrontée à de nombreux défis.
Arrivé à bord d’un hélicoptère peu avant 11H30 GMT, le pape argentin a été accueilli dès la descente de l’appareil par Benoît XVI en personne, a précisé le Vatican.
Les deux hommes, qui portent tous les deux une soutane blanche, se sont rencontrés dans la bibliothèque pontificale de la résidence où séjourne le pape émérite depuis sa démission le 28 février, avant de déjeuner ensemble.
Avant Benoît XVI, le dernier pape à avoir démissionné de son plein gré fut Célestin V en 1294, mais il n’y a pas trace d’un déjeuner avec son successeur, Boniface VIII, qui le fit d’ailleurs placer sous surveillance puis enfermer…
En dépit de l’extrême curiosité que suscite cette rencontre historique, le Vatican a prévu une communication minimale. Au moment même de la rencontre, la télévision du Vatican (CTV), qui suit habituellement pas à pas les moindres faits et gestes du pape, n’était pas en mesure de confirmer qu’elle transmettrait des images des deux hommes.
Ce que se diront le pape émérite de 85 ans et son cadet de neuf ans de moins au cours de leur déjeuner restera secret.
Les sujets ne manquent pas pour une Eglise qui revendique 1,2 milliard de fidèles: la « nouvelle évangélisation », les persécutions contre les chrétiens, la réforme de la Curie, les contestations, les scandales d’argent et de sexe, notamment le terrible scandale des abus sexuels sur des enfants.
« Il y aura aujourd’hui une sorte de passation de pouvoirs qui ne s’est jamais produite jusqu’à présent dans les deux millénaires de l’histoire de la chrétienté », écrit La Stampa.
« Connaissant la délicatesse de l’homme Ratzinger, on peut croire qu’il s’abstiendra de donner des conseils en se limitant à rappeler l’attention sur les questions qui n’ont pas été résolues », estime pour sa part Vittorio Messori, spécialiste de l’histoire de l’Eglise, dans le Corriere della Sera.
Les deux pontifes devraient parler de « Vatileaks », l’affaire des fuites de documents confidentiels, sur laquelle des cardinaux ont mené une enquête et rédigé un rapport qui n’a été transmis qu’au nouveau pape.
Depuis son élection, Jorge Bergoglio a téléphoné deux fois à son prédécesseur, la dernière fois mardi pour lui souhaiter bonne fête le jour de la Saint-Joseph qui était le jour de sa propre messe d’installation.
Le Vatican a indiqué que le pape émérite avait suivi l’élection de son successeur et sa messe inaugurale à la télévision.
Les deux hommes se connaissent depuis longtemps: au conclave de 2005, Jorge Bergoglio était le principal concurrent de Joseph Ratzinger, et représentait une orientation plus ouverte et sociale parmi les cardinaux. Mais il avait préféré se retirer de la course.
Ils ont des tempéraments profondément différents: autant Joseph Ratzinger était réservé devant la foule, autant Jorge Bergoglio est spontané, va vers les gens, et cherche à limiter au maximum les honneurs qui entourent un pape.
Joseph Ratzinger, par respect de la tradition, par manque de spontanéité et sans doute parce qu’il n’aimait pas l’innovation et se méfie de tout ce qui est spectaculaire, n’a que très rarement improvisé.
Toutefois, Jorge Bergoglio a repris à son compte l’héritage de son prédécesseur, dans sa condamnation de la « dictature du relativisme », vendredi devant les diplomates.
Dans quasiment tous ses discours, il s’est d’ailleurs référé d’une manière ou d’autre à Benoît XVI: manière de dire que, s’il a adopté un changement radical dans le style, il y a une continuité dans la doctrine.
Sur les questions de société par exemple, Joseph Ratzinger et Jorge Bergoglio partagent des positions conservatrices, qu’il s’agisse du mariage gay, de l’avortement et de l’euthanasie -atteintes à la « création » pour l’Eglise catholique-.
La popularité extrême qu’a acquise François est perçue avec une amertume par certains au Vatican, où l’on juge injuste l’oubli qui semble déjà frapper le pape allemand dans le grand public.
Quand il s’installera en mai dans un ancien monastère sur la colline du Vatican, le pape émérite sera à quelques pas des bureaux de François. Un voisinage inédit et délicat débutera, et des rencontres seront possibles dans les jardins du petit Etat.
AFP