Les électeurs zimbabwéens sont invités samedi à adopter une nouvelle Constitution qui doit permettre des élections plus libres que les précédentes, mais de nombreux observateurs pensent que les forces de l’ordre, fidèles au président Robert Mugabe, tiennent entre leurs mains l’avenir politique du pays.
Si le référendum constitutionnel devrait se dérouler sans problème, l’issue des élections générales –annoncées pour juillet– pourrait être fortement influencée par la police et l’armée.
Les forces de l’ordre sont fortement politisées et alignées sur le président Mugabe, qui, à 89 ans, gouverne le pays depuis l’indépendance il y a trente-trois ans.
Certains redoutent que les forces pro-Mugabe refusent une défaite électorale et engagent le pays dans un processus à l’ivoirienne, qui conduirait à des violences.
Takavafira Zhou, politologue à l’Université de Masvingo, note que l’armée et la police sont extrêmement impliquées dans le processus électoral.
« Les chefs des forces de l’ordre sont ceux qui mènent la danse. (…) Leurs subordonnés font partie des organisateurs du scrutin et sont un élément de la machinerie qui peut manipuler les élections en faveur de la Zanu-PF (le parti présidentiel) si besoin est », dit-il.
Il s’estime surpris que le Mouvement pour un changement démocratique (MDC) du Premier ministre Morgan Tsvangirai, rival du président Mugabe, puisse rester si passif.
« Les chefs des forces de l’ordre vont décider du résultats et de ce qui arrivera ensuite, et ils ne vont certainement pas accepter une victoire du MDC », ajoute l’universitaire.
La police et l’armée n’ont pas voulu commenter ces allégations.
Les élections de 2002, 2005 et 2008, qui ont vu Robert Mugabe se succéder à lui-même, ont été entachées d’irrégularités et de violences, l’opposition étant régulièrement prise à partie par la police.
Le projet de nouvelle Constitution proclame la neutralité des forces de l’ordre et leur interdit de prendre parti dans le processus électoral.
Mais, selon des informations de presse, le chef de la police Augustine Chihuri aurait récemment dit à ses adjoints que quiconque ne soutiendrait pas la Zanu-PF n’aurait pas sa place parmi ses troupes. Il a aussi qualifié les opposants du président, à commencer par le Premier ministre, de « larbins de l’Occident ».
Les policiers ont reçu l’ordre de s’inscrire sur les listes électorales, et, dit-on, de voter pour la Zanu-PF.
Chihuri, qui a combattu avec Mugabe contre le régime ségrégationniste de ce qui était alors la Rhodésie, est chef de la police depuis l’indépendance en 1980.
Oliver Mandipaka, un haut responsable de la police, est candidat pour la Zanu-PF aux législatives.
Des officiers de haut rang de l’armée zimbabwéenne ne cachent pas non plus leur allégeance au vieux président.
En 2011, le général de brigade Douglas Nyikayaramba a déclaré que Morgan Tsvangirai menaçait la sécurité du pays.
Intimidation policière
Depuis quelques mois, la police a harcelé les organisations de défense des droits civiques, arrêtant des responsables, saisissant des documents et confisquant des équipements.
Les opposants à Mugabe y voient une campagne délibérée pour faire taire les critiques et instaurer un climat de peur avant les élections de juillet.
« Vous pouvez déjà voir que les forces de l’ordre continuent de jouer un rôle important pour assurer une victoire de la Zanu-PF en criminalisant la société civile sur la base d’accusations fausses », accuse Thabani Nyoni, directeur du groupe d’action civique Bulawayo Agenda.
« L’ensemble du mécanisme d’intimidation, de répression et de propagande a été remis en branle, et quand nous nous rapprocherons des élections, les enjeux seront plus élevés et ils vont intensifier la campagne pour faire taire les voix dissidentes. »
Essie Ncube, un analyste politique basé à Bulawayo –la deuxième ville du Zimbabwe– juge que les forces de sécurité « ont le potentiel d’empêcher la tenue d’élections libres et équitables ».
Mais tous ne sont pas d’accord avec lui.
Pour Bassie Bangidza, du département des études de sécurité de l’Université de Zimbabwe, l’armée ne représente aucune menace.
« La seule façon dont ils peuvent influencer les élections, c’est en votant », dit-il.
Le politologue Ibbo Mandaza, responsable du think-tank SAPES, pense aussi que la menace posée par les forces de sécurité a été exagérée.
« Si elles ont déjà été impliquées pour influencer les élections, c’est parce que les dirigeants politiques leur ont permis de le faire », dit-il.
AFP