Avec son électricité parmi la moins chère au monde, l’Afrique du Sud a connu avant 2008 des illuminations dignes du château de Versailles. Cinq ans plus tard, les tarifs ont explosé, le pays investit tous azimuts et se met aux économies d’énergie mais la première économie africaine reste à la merci des coupures de courant.
Le 1er avril, les prix de l’électricité, qui ont déjà triplé depuis 2008, devraient encore s’alourdir en moyenne de 8%, une hausse impopulaire précédée par des mois de débats acharnés et de pressions politiques contradictoires.
D’un côté, certains accusent ces hausses de tarifs à répétition et supérieures à l’inflation de menacer la survie des entreprises et de pousser les ménages pauvres à se rabattre sur des énergies dangereuses pour se chauffer ou cuisiner, bougies, bois, charbon, pétrole lampant.
De l’autre, « le réseau électrique est actuellement très tendu », souligne la compagnie électrique publique Eskom qui a besoin d’argent pour construire de nouvelles centrales et tourne à la limite de ses possibilités.
« Si Medupi –la prochaine grande centrale à charbon en chantier à 350 km de Johannesburg– prend encore du retard et que la consommation augmente, alors nous aurons de gros, gros problèmes », explique à l’AFP le Professeur Anton Eberhard, expert et chercheur à l’université du Cap.
« Dans un proche avenir, je ne pense pas que nous aurons un nouveau black-out. C’est une possibilité très éloignée mais ce ne serait pas honnête de vous dire qu’il n’y a pas de craintes. Dans les secteurs énergivores, la faible marge de réserve d’Eskom inquiète », indique Kgatlaki Ngoasheng, directeur économique de l’association patronale Busa.
En janvier 2008, les délestages calamiteux avaient atteint de telles proportions que le président Thabo Mbeki avait dû présenter ses excuses aux Sud-Africains, exaspérés par des semaines de circulation automobile cauchemardesque, faute de feux, et de coupures quotidiennes affectant les particuliers, mais aussi les mines et les usines. Il avait aussi averti: « L’époque d’une électricité très bon marché et abondante est terminée ».
Sauvés par la baisse de la demande
Depuis, « nous avons été en partie sauvés par la baisse de la demande électrique qui reste inférieure à 2007. Si nous avions eu plus de croissance, et n’avions pas eu la crise financière de 2008, nous aurions de graves problèmes », observe M. Eberhard, tandis que les consommateurs, assommés par les nouveaux tarifs, ont commencé à faire attention.
Fréquentes sur le continent africain, les sautes de courant avaient jusque là relativement épargné l’Afrique du Sud et sur les photos des satellites le pays apparaissait comme une tache sur-illuminée.
Mais la forte croissance des années 2000 a brusquement révélé les limites d’une infrastructure sous-dimensionnée, dépendante de centrales à charbon polluantes et vieillissantes, et d’un réseau de distribution en partie mal entretenu.
La compagnie nationale Eskom produit 96% de l’électricité sud-africaine et en distribue elle-même la moitié. L’autre moitié est distribuée par les municipalités dont « de nombreux réseaux sont très vieux, ce qui cause beaucoup de petites coupures », reprend M. Eberhard.
Le gouvernement a réagi en lançant un méga-programme d’investissements pour ajouter d’ici 2030 des dizaines de milliers de mégawatts au réseau, au bord de la saturation avec 43.000 MW installés.
Quelque 17.000 ouvriers s’activent pour achever Medupi (nord-est) qui sera la quatrième centrale à charbon du monde (4.800 MW) et aura une soeur jumelle d’une puissance comparable, en construction à Kusile (nord-est). Mais le chantier de Medupi vient d’être bloqué six semaines par une grève.
L’Afrique du Sud a aussi prévu d’ajouter à son unique centrale nucléaire de Koeberg (sud), en service depuis plus de 25 ans, six nouveaux réacteurs de 9.600 MW au total.
Le premier serait raccordé en 2023, assure le gouvernement. Mais ses plans « commencent à sembler irréalistes et/ou excessivement coûteux », selon l’Organisation de coopération et de développement (OCDE).
En matière d’énergies renouvelables, le gouvernement est plus chanceux et son programme a suscité « un énorme intérêt des investisseurs privés », selon M. Eberhard.
Il y a 28 projets, pour moitié des fermes solaires et pour moitié des fermes éoliennes, déjà en phase de construction pour une livraison de 1.400 MW. La construction est rapide, 18 mois à deux ans, et 17 autres projets doivent suivre pour 1.000 MW.
En attendant, les industriels se dépêchent de modifier leurs équipements ou leur mode de production pour être plus économe en énergie et « ils sont de plus en plus tentés de construire leurs propres centrales », constate M. Eberhard. Et dans les nouvelles maisons, les chauffe-eau solaires sont la règle.
AFP