La famille de sept Français enlevée le 19 février au Cameroun apparaît pour la première fois, lundi, dans une vidéo postée sur internet, aux côtés de ravisseurs disant appartenir au groupe islamiste nigérian Boko Haram.
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a dénoncé des « images terriblement choquantes », qui « démontrent une cruauté sans limites ».
Ces derniers affirment avoir commis ce rapt à cause de « la guerre contre l’Islam » menée par la France, une possible référence à l’intervention militaire engagée depuis le 11 janvier au Mali contre les groupes islamistes armés.
La vidéo de plus de trois minutes, tournée dans un lieu et à une date inconnus, montre la famille entourée d’au moins trois de ses ravisseurs dont les visages sont cachés. Une source proche de la famille Moulin-Fournier, jointe par l’AFP, a confirmé l’avoir identifiée sur ce document.
Au début de la vidéo postée sur YouTube, Tanguy Moulin-Fournier, le père se tient aux côtés de sa femme, de leurs quatre enfants âgés de 5 à 12 ans et de son frère, et lit une déclaration en français. Deux des ravisseurs portent des armes et des munitions en évidence.
Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a estimé lundi que la famille était « probablement détenue au Nigeria », à l’issue d’une réunion d’un conseil de défense. Le président François Hollande avait déclaré la semaine dernière que les otages étaient retenus « sans doute en deux groupes ».
« Si vous voulez qu’on libère ces Français, relâchez rapidement toutes nos femmes que vous détenez », dit l’un des ravisseurs qui s’exprime en arabe, à l’intention du président nigérian Goodluck Jonathan.
« Nous mettons en garde aussi le président du Cameroun (Paul Biya, ndlr), qu’il relâche rapidement nos frères détenus dans ses prisons », ajoute-t-il.
La famille avait été enlevée dans le nord du Cameroun. Selon les autorités camerounaises, les sept Français, qui visitaient un parc national quand ils ont été kidnappés, auraient été transportés dans le nord-est du Nigeria voisin.
Tanguy Moulin-Fournier, sa femme Albane et leurs quatre fils vivent à Yaoundé, la capitale du Cameroun, depuis l’automne 2011. M. Moulin-Fournier y supervise la construction d’une usine de liquéfaction de gaz pour la société GDF Suez. Son frère, Cyril Moulin-Fournier, qui les accompagnait, vit à Barcelone, en Espagne.
Pour Elizabeth Donnely, une spécialiste du Nigeria du cercle de réflexion Chatam House, Boko Haram pourrait utiliser des otages occidentaux afin de faire aboutir ses revendications, qui concernent uniquement la situation au Nigeria, et non la situation au Mali. « Quand ils demandent la libération de femmes, ils pensent à des personnes particulières, parce qu’il y a peu de femmes membres de Boko Haram », estime Mme Donnely.
Malgré la revendication exprimée dans la vidéo, il n’est cependant pas certain à ce stade que les ravisseurs appartiennent à Boko Haram, car ce groupe radical, qui a perpétré de nombreuses attaques dans le nord et le centre du Nigeria depuis plusieurs années, n’a jamais revendiqué d’enlèvement.
Un autre groupe, Ansaru, qui pourrait être une faction dissidente de Boko Haram, est montée en puissance ces dernières semaines en concentrant son activité sur les enlèvements d’étrangers.
Ansaru avait revendiqué en décembre l’enlèvement d’un ingénieur français dans le nord du Nigeria et, plus récemment, le rapt de sept étrangers sur un chantier dans l’Etat de Bauchi (nord-est). Ce groupe nigérian a critiqué l’intervention armée de la position de la France contre les islamistes au Mali.
Mais des experts n’excluent pas non plus la possibilité que des groupes criminels soient derrière cet enlèvement, avec l’intention d’échanger les otages contre une rançon.
AFP