Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa et grande figure de l’église catholique africaine, est donné comme « papabile » mais son engagement politique en République démocratique du Congo pourrait desservir celui qui a failli succéder au président Joseph Mobutu en 1995.
La stature imposante à 73 ans, éminemment respecté à Kinshasa où la plupart des hommes politiques se sont discrédités, Mgr Monsengwo séjourne de plus en plus à Rome où il se rend jeudi préparer le conclave qui doit élire le successeur de Benoît XVI.
Premier Africain à être secrétaire spécial d’un synode des évêques en 2008, il a co-présidé avec Benoît XVI le synode sur la nouvelle évangélisation en octobre dernier, ce qui fait de lui un successeur possible.
Lors du dernier carême, en 2012, il a été choisi par le pape pour prêcher la retraite pascale à la Curie, signe de confiance en sa solidité doctrinale, puis Benoît XVI lui a demandé de se rendre en Syrie pour se pencher sur le sort des chrétiens, avec deux autres cardinaux, ce qu’ils n’ont pas encore fait.
Décrit comme autocrate, on le dit aussi très sensible aux honneurs et aux signes du pouvoir.
« C’est sa culture, il est de famille royale », explique en souriant l’abbé Léonard Santedi, un de ses collaborateurs. Monsengwo, a-t-il expliqué à l’AFP, signifie « petit fils héritier du roi » dans l’ethnie sakata d’où il est issu.
« Le Desmond Tutu du Zaïre »
Mais si la question de sa désignation à la papauté devait se poser, c’est surtout son activisme politique qui risque de lui nuire.
Initiateur en 1990 d’un mémorandum adressé au président Mobutu, chef de l’Etat depuis près de 30 ans à qui il demandait plus de démocratie, il a été porté à la tête de la Conférence nationale qui a ébranlé le pouvoir jusqu’à sa chute en 1997.
« Il semblait sur le point de devenir le Desmond Tutu du Zaïre », écrit l’historien et romancier David Van Reybrouk.
Alors que Mobutu, malade et abandonné, était invité à partir, il est désigné en 1994 pour lui succéder par la Conférence qui avait fusionné avec le parlement. Mais Mobutu ne démissionnera pas et finira par lâcher le pouvoir à la rébellion venue de l’Est. Monsengwo, après 18 mois de bataille, avait finit par démissionner en dénonçant un « viol constant » de la Constitution.
Cet engagement, qui a sans doute évité le chaos total à l’immense RDC, pourrait lui porter tort, l’Eglise catholique encourageant les évêques africains à intervenir pour la paix, la démocratie, la bonne gouvernance et la réconciliation, mais sans entrer directement en politique,
Sous son contrôle, l’Eglise de la RDC n’a pas abandonné son rôle contestataire, lançant régulièrement par le biais de la conférence épiscopale des mises en garde au pouvoir du président Joseph Kabila et manifestant aux sorties des églises sans que cela leur soit jamais interdit.
Ainsi fin 2011, Monsengwo a contesté publiquement les résultats des dernières élections présidentielles, estimant qu’ils n’étaient « conformes ni à la vérité ni à la justice ».
« Que la cour suprême se sente donc en conscience interpellée par le peuple congolais tout entier », avait il lancé avant que cette dernière ne valide les résultats.
Né le 7 octobre 1939, dans la région du Bandundu, juste à l’est de Kinshasa, Laurent Monsengwo est ordonné prêtre en 1963.
Un des premiers Africains à obtenir une licence en théologie biblique à Rome en 1964 puis un doctorat en sciences bibliques, il devient évêque en 1980, archevêque en 88, d’abord à Kisangani puis à Kinshasa. En 2010, il est nommé au collège cardinalice et fait partie, sur 18 cardinaux africains, des onze âgés de moins de 80 ans qui éliront un nouveau souverain pontife.
AFP