Ils pensent à lui, ils prient pour lui et, malgré la Cour pénale internationale (CPI) qui le soupçonne de crimes contre l’humanité, ces partisans de l’ex-président ivoirien en sont certains: « Gbagbo reviendra ».
Laurent Gbagbo « sera libre et nous reviendra », affirme à l’AFP Yapi Assa, avant l’audience de la CPI qui doit décider à partir de mardi d’un éventuel procès de l’ancien président pour des crimes commis durant les violences postélectorales de 2010-2011, qui avaient fait environ 3.000 morts.
Aux côtés de Yapi, impossible à arrêter quand on parle de son idole, ils étaient il y a quelques jours une dizaine à se serrer un matin dans « la maison de la résistance », nom de code désignant le modeste domicile de l’un d’eux, à Yopougon, immense quartier de l’ouest d’Abidjan et fief des tenants de l’ancien pouvoir.
Pour entretenir la flamme, ils se retrouvent régulièrement dans cette « cachette ». Tous disent avoir peur et se sentir « traqués » par le régime du président Alassane Ouattara. Les forces de sécurité veillent, notamment à Yopougon, et ont durement sévi après une série d’attaques en 2012 attribuées par les autorités à des groupes armés affiliés au camp adverse.
Samedi, une cinquantaine de jeunes partisans de l’ex-homme fort d’Abidjan, criant « CPI, libérez Gbagbo », ont été dispersés à coup de gaz lacrymogènes alors qu’ils entendaient tenir dans ce quartier un rassemblement interdit.
A la « maison de la résistance », petite chambre meublée d’un lit recouvert de journaux d’opposition, de quelques fauteuils, d’un placard et d’un vieux ventilateur, Yapi et ses amis échangent les « informations » recueillies en ville et sur internet.
Dans le flot des échanges, les analyses politiques se mêlent aux rumeurs les plus déroutantes, comme Yopougon en charrie chaque jour. Et, encore et toujours, on en revient à la présumée action occulte de la France qui, dit l’un, « a mis la Côte d’Ivoire en cage ». L’armée de l’ex-puissance coloniale joua un rôle décisif en avril 2011 dans la chute de l’ancien président après deux semaines de guerre entre forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara.
« Pas de réconciliation sans Gbagbo »
« Nous croyons que si la justice est impartiale à La Haye, Laurent Gbagbo va s’en sortir et nous rejoindre ici », insiste Yapi. Il y a le droit, mais il y a aussi la foi: « nous croyons en Dieu, nous organisons des prières pour rendre ce retour effectif ».
Le premier ex-président entre les mains de la CPI compte de nombreux soutiens dans la communauté chrétienne de Côte d’Ivoire, en particulier chez les fidèles des églises évangéliques, dont il fait lui-même partie. Ces derniers jours, alors que le gouvernement d’Alassane Ouattara, un musulman, ne disait mot sur le crucial rendez-vous de la CPI, jeûnes, prières et lectures bibliques étaient discrètement organisés dans certains cercles pro-Gbagbo.
« Nous, on est fatigués », lâche Rachelle Lou, la seule femme du groupe, badge à l’effigie de son héros accroché au corsage. « Ici, c’est chez lui, on l’attend », dit-elle d’une voix implorante. A un autre moment elle s’emporte: « il n’y aura pas de réconciliation sans Gbagbo! »
« La normalisation de la vie politique en Côte d’Ivoire va découler de la libération de Laurent Gbagbo », renchérit Jérôme Dago, vêtu d’un T-shirt représentant l’ancien chef de l’Etat.
Tous laissent entendre que les choses tourneraient mal dans le pays en cas d’absence prolongée de leur champion.
Pourtant Yopougon, où ont disparu depuis près de deux ans « parlements » et « agoras », lieux de rassemblement où s’endoctrinaient les jeunes pro-Gbagbo, est bien calme, hormis la brève poussée de fièvre de samedi.
Et pour les partisans d’Alassane Ouattara, l’audience à La Haye de celui qui plongea son pays dans la tourmente en refusant sa défaite à la présidentielle doit marquer le début de la justice pour ses « victimes ».
La réunion prend fin. Les fidèles se quittent, avec pour mission de porter la bonne parole: « Gbagbo reviendra et sera avec nous ».
Avant de partir, Jérôme n’oublie pas, toutefois, d’enfiler une chemise sur son T-shirt aux couleurs du prisonnier de La Haye.
AFP