Le parti islamiste Ennahda a promis samedi de ne pas céder le pouvoir, devant quelque 15.000 partisans réunis à Tunis, alors que les tractations pour la formation d’un nouveau gouvernement s’éternisent et que le pays vit sa pire crise politique depuis la révolution.
« Ennahda se porte bien (…) et ne cèdera jamais le pouvoir tant qu’il bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urnes », a clamé le chef du parti, Rached Ghannouchi, à la fin d’une manifestation de ses partisans sur l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis.
Selon lui, Ennahda fait l’objet, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2011, d’une « série de complots » qui ont culminé avec « la proposition d’un gouvernement de technocrates (…) ce qui équivaut à un coup d’Etat contre le gouvernement élu ».
« Ennahda est la colonne vertébrale de la Tunisie et la briser ou l’exclure porterait atteinte à l’unité nationale du pays », a-t-il martelé.
M. Ghannouchi s’est ainsi une nouvelle fois opposé à son numéro 2, le Premier ministre, Hamadi Jebali, qui considère qu’un cabinet apolitique est la seule solution pour sortir la Tunisie d’une profonde crise politique, aggravée par l’assassinat de l’opposant anti-islamiste Chokri Belaïd le 6 février.
La fermeté du chef islamiste, qui propose un gouvernement dirigé par Ennahda alliant technocrates et politiques, laisse présager des tractations difficiles. De nouveaux pourparlers sont prévus lundi entre le Premier ministre et les partis politiques.
M. Jebali avait prévu d’annoncer un nouveau gouvernement samedi ou de démissionner, mais vendredi soir il a reporté l’annonce sine die.
Le rassemblement de samedi est le plus important organisé par les islamistes depuis leur arrivée aux commandes du pays, mais la mobilisation reste largement inférieure aux dizaines de milliers de personnes qui ont participé aux funérailles de Chokri Belaïd le 8 février.
Selon le ministère de l’Intérieur, 16.000 partisans d’Ennahda ont manifesté.
« Dieu est le plus grand », « Avec la légitimité et pour l’unité nationale » ou encore « le peuple veut Ennahda de nouveau », a notamment scandé la foule sur l’Avenue Bourguiba, haut lieu de la révolution qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali il y a deux ans.
Les manifestants brandissaient des dizaines d’étendards d’Ennahda, de drapeaux nationaux et quelques bannières noires de la mouvance salafiste.
Ils sont venus des quatre coins du pays à bord de bus spécialement affrétés. « Nous sommes là pour montrer que nous soutenons la légitimité d’Ennahda et des urnes », explique Mohamed Beji, originaire de Gabès (sud-est).
Ennahda, fondé en juin 1981 par Rached Ghannouchi, a été longuement réprimée avant de s’imposer, après la révolution et les premières élections libres d’octobre 2011, comme le principal parti du pays.
Le mouvement dispose de 89 des 217 sièges à l’Assemblée nationale constituante et a formé une coalition avec deux partis laïques de centre-gauche dont celui du président Moncef Marzouki.
Mais le meurtre de Chokri Belaïd a montré qu’Ennahda est tiraillé entre une frange radicale, représentée par M. Ghannouchi, et celle plus modérée avec M. Jebali.
Alors qu’aucune avancée dans l’enquête sur l’assassinat de Belaïd n’a été annoncée, les proches du défunt ont organisé samedi deux cérémonies à sa mémoire, l’une à Tunis et l’autre à Jendouba (nord-ouest) d’où sa famille est originaire.
Ils accusent les islamistes au pouvoir d’être responsables de sa mort, ce que ces derniers rejettent.
Outre l’interminable crise politique, la rédaction de la Constitution est dans l’impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime.
Entretemps, les conflits sociaux souvent violents se sont multipliés sur fond de misère et chômage. Sans oublier l’essor d’une mouvance salafiste jihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.
AFP