Le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali a confirmé jeudi qu’il démissionnerait en cas de rejet de son gouvernement apolitique, dont il annoncera la composition samedi, visant à sortir de la plus grave crise dans le pays depuis la révolution.
« Je veux mener cette initiative jusqu’au bout. Je recevrai demain (vendredi) tous les partis qui ont accepté ou non cette initiative » de gouvernement apolitique, a déclaré M. Jebali à des journalistes entre deux tours de consultations avec des chefs de partis.
« Samedi, j’annoncerai la composition du gouvernement et si elle est rejetée, je présenterai ma démission au président de la République » Moncef Marzouki, a-t-il ajouté.
Il a répété que tous les ministres seront indépendants des partis et s’engageront à ne pas être candidats aux futures élections et que la composition ne fera pas l’objet de « marchandages ».
Les islamistes d’Ennahda, dont M. Jebali est le numéro 2, ont eux prévu samedi une grande manifestation à Tunis pour défendre leur « légitimité » à diriger la Tunisie, alors que le pays est empêtré dans son plus grave conflit politique depuis la révolution de janvier 2011 et 14 mois après que l’arrivé au pouvoir de ce parti.
M. Jebali tente depuis la vague de violences qui a suivi l’assassinat retentissant de l’opposant Chokri Belaïd le 6 février de former un gouvernement de technocrates malgré l’opposition de son parti et du Congrès pour la République (CPR), formation laïque de M. Marzouki.
Il a par contre reçu le soutien de l’essentiel de l’opposition laïque, du puissant syndicat UGTT et du patronat.
L’Assemblée nationale constituante (ANC) débattait pour sa part jeudi de cette profonde crise et a été le théâtre de vifs échanges entre partisans et opposants de l’initiative de M. Jebali.
« Constat d’échec »
« L’assassinat de Chokri Belaïd a été un coup pour Ennahda, le gouvernement et le pays », a déclaré Sahbi Attig, chef du bloc parlementaire islamiste. « On a eu deux catastrophes ce jour-là, cet assassinat et la décision de M. Jebali », a-t-il dit.
Pour Iyad Dahmani, du Parti républicain (opposition laïque), la décision de M. Jebali est « un clair constat d’échec » de son gouvernement.
Mercredi, Ennahda et trois mouvements, certains laïques, ont insisté sur un cabinet comprenant des personnalités politiques.
La position a été adoptée lors d’une réunion des responsables d’Ennahda, du CPR, du mouvement Wafa (laïque) et du bloc parlementaire Liberté et dignité (islamistes indépendants) qui détiennent théoriquement la majorité absolue à l’ANC.
Si ces groupes votent dans la discipline, ils totaliseraient 125 élus sur 217 alors que M. Jebali peut être censuré sur son projet avec 109 votes négatifs. Mais le Premier ministre peut compter, selon la presse locale, sur des élus d’Ennahda favorables à son initiative.
Le président Marzouki est quant à lui resté silencieux sur la proposition de M. Jebali qu’il avait été pourtant le premier à évoquer après des violences dans le centre du pays fin novembre.
Outre cette crise, la rédaction de la Constitution est dans l’impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime. M. Jebali a souligné que sa démarche visait aussi à accélérer ce travail pour organiser des élections au plus vite.
Les conflits sociaux souvent violents se multiplient aussi sur fond de misère et chômage, à l’origine de la révolution qui a emporté l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Sans oublier l’essor d’une mouvance salafiste jihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.
Quelques dizaines de militants du parti islamiste Hizb ut-Tahrir ont manifesté jeudi devant l’ambassade de France à Tunis, alors que les autorités françaises sont accusées par une partie de la classe politique de s’ingérer dans les affaires tunisiennes.
AFP