L’ex-homme politique rwandais, Léon Mugesera, jugé à Kigali pour « incitation au génocide » de 1994 après avoir été extradé du Canada, a mis en cause mardi l’authenticité de l’enregistrement d’un discours violemment anti-tutsi qui lui vaut d’être dans le box des accusés.
« Au cours de mon procès initial au Canada en 2005 (…) un expert en analyse audio-vidéo de la Police montée canadienne a découvert des anomalies dans le discours » enregistré, a affirmé M. Mugesera à la Cour.
« Si le discours que le Rwanda a envoyé au Canada est le même que celui que détient le procureur et s’il s’agit d’une copie de l’original (…) alors il devrait être soumis à vérification », a-t-il argué.
Le procureur Martin Ngoga a contesté les arguments de M. Mugesera: « lorsqu’il a comparu devant la Cour suprême du Canada (pour contester son extradition), Mugesera a admis l’authenticité du discours, mais a désormais changé de version devant les tribunaux rwandais », a-t-il réagi.
Le juge Athanase Bakuzakundi, qui préside les débats, a estimé que la Cour aurait le temps de se pencher durant le procès sur l’authencité des preuves et qu’elle pourrait le cas échéant entendre des témoins.
L’accusation estime que ce discours violemment anti-tutsi, prononcé en 1992 par M. Mugesera, pendant un rassemblement du parti du président hutu de l’époque Juvénal Habyarimana dont il était membre, a été un élément déclencheur du génocide de 1994, au cours duquel environ 800.000 personnes ont péri selon l’ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
M. Mugesera est accusé d’y avoir qualifié les Tutsi de « cafards » et d’avoir encouragé les Hutu à les tuer.
L’accusation avait fait écouter ce discours au premier jour de l’audience au fond, ouverte mi-janvier à Kigali, un an après l’extradition de M. Mugesera du Canada, en janvier 2012. Durant un an, l’accusé a soulevé de multiples questions de procédure et obtenu plusieurs reports de son procès.
Réclamé depuis 1995 par Kigali, M. Mugesera, installé au Canada depuis 1993 avec son épouse et ses enfants, y avait déjà multiplié au cours des années les recours judiciaires, mais n’avait finalement pu empêcher son extradition vers le Rwanda.
L’audience doit se poursuivre jeudi.
AFP