Parures multicolores extravagantes, danseuses demi-nues juchées sur des chars monumentaux, percussions obsédantes: les grandes écoles de samba de Rio de Janeiro entraient en piste dimanche soir pour l’apothéose du carnaval le plus célèbre au monde.
Bientôt, tenant leur déguisement avec d’infinies précautions pour éviter qu’il ne se prenne dans le tourniquet du métro, des milliers de personnes vont commencer à affluer au Sambodrome.
Les 3 à 5.000 participants déguisés de chaque école se rendent à la « concentraçao » où ils se mettent en ordre avant le début des défilés, temps fort de la « grande folie » de Rio étalé sur deux nuit entières de fièvre tropicale.
Tout le Brésil est plongé dans le carnaval depuis vendredi et notamment les villes du nord-est comme Salvador de Bahia. Mais aussi Recife et Olinda, où le rythme frénétique du « frêvo », une danse acrobatique entraîne des millions de gens dans les rues.
Compétition
Seule exception, Santa Maria (sud du Brésil) et les villes voisines, en deuil après un incendie dans une discothèque qui s’est transformé en piège mortel pour 239 jeunes il y a trois semaines.
A la « concentraçao » de Rio, l’humeur joyeuse des participants fera bientôt place à la tension mêlée d’adrénaline, quand il faudra entrer sur la piste de 720 m de long, bordée de tribunes à ciel ouvert où se massent 72.500 spectateurs privilégiés.
Les défilés sont une compétition aux règles strictes suivie avec la même ardeur qu’un match de foot. Nées dans les favelas, les écoles se disputent le titre convoité de « Championne du carnaval » avec leur lot de reines de beauté tout juste couvertes de quelques paillettes.
La plus mal notée sera reléguée dans le « groupe d’accès », les écoles de samba de la deuxième division, qui a défilé vendredi et samedi soir.
Un seul défilé coûte de deux à cinq millions de dollars et se prépare pendant un an. Autrefois exclusivement financé par les mafieux des jeux clandestins, ce sont de plus en plus des entreprises brésiliennes et étrangères qui les parrainent.
Cette année les thèmes des défilés vont de Vinicius de Moraes, l’un des auteurs de la célèbre chanson « la Fille d’Ipanema » (école Uniao da Ilha), à l’Amazonie (Imperatriz). Mais il feront voyager aussi le spectateur en Allemagne (Unidos da Tijuca) et même en Corée du Sud (Inocentes de Belfort Roxo).
C’est vendredi que le roi Momo de 150 kilos, symbole de tous les excès, a donné le coup d’envoi officiel au carnaval, à l?hôtel de ville de Rio, en recevant les clés de la ville des mains du maire Eduardo Paes, « pour un règne de cinq jours de folie » ou (presque) tout est permis.
Au même moment, à l’aéroport international, aux cris de « Le Brésil n’est pas un bordel! », des militantes du mouvement féministe Femen protestaient, seins nus peinturlurés, contre le tourisme sexuel.
« Petites chemises de Vénus »
Samedi, le plus traditionnel des « blocos » (groupe carnavalesque de rue), le « Bola Preta », a drainé 1,8 million de personnes au centre-ville. Les organisateurs tablaient sur 2,4 millions pour entrer dans le livre Guinness des records. La foule était si compacte que trois voitures de police ont eu leur tôle froissée sur le passage du « bloco » et certaines personnes se sont trouvées mal.
Au total, 492 « blocos » organisent 700 défilés au rythme de la samba, drainant un public de plus de six millions de personnes.
Plus de 900.000 touristes brésiliens et étrangers seront venus cette année à Rio pour le carnaval selon la mairie.
Depuis que Rio, l’une des villes les plus violentes du pays, a été choisie en 2009 pour organiser les Jeux olympiques de 2016, les autorités s’efforcent de redorer son image. Cette année, près de 14.500 policiers, hommes et femmes, ont été mobilisés pour assurer la sécurité de la « plus grande fête du monde » à ciel ouvert.
Le ministère de la Santé va distribuer gratuitement près de 69 millions de « camisinhas de Venus » (« petites chemises de Vénus », nom du préservatif au Brésil) dans tout le pays.
AFP