jeudi, décembre 26, 2024
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Afrique du Sud: un écrivain modernise le zoulou

Afrique du Sud: un écrivain modernise le zoulou
Savez-vous dire « air conditionné » en zoulou? Même parmi 11,5 millions de Sud-Africains parlant cette langue, beaucoup donneraient cher pour connaître la réponse contenue au dos d’un récent roman publié par un natif du KwaZulu-Natal (est) soucieux de moderniser sa langue maternelle.
Ce géo-trouvetout de la langue à l’esprit encyclopédique, philosophe, économiste et ingénieur, de son nom Phiwayinkosi Mbuyazi, zoulou pur jus et diplômé d’Oxford, est surtout connu des lecteurs sud-africains pour ses billets d’humeur et ses mots croisés en zoulou publiés le dimanche dans l’édition zouloue du Sunday Times.
Son livre, une fiction jeunesse, raconte les aventures de quatre épigones du célèbre Harry Potter, évoluant non pas dans le monde de la magie mais dans celui des sciences et de la technologie appliquée au quotidien.
Appliquant sa devise « Pense. Parle. Agis dans ta langue maternelle », M. Mubyazi, 41 ans, s’est employé à ne pas faire d’emprunt à la langue anglaise et a créé plus de 450 nouveaux mots, la plupart pour désigner des concepts scientifiques ou des appareils modernes en zoulou.
« Isilolongamoya » désigne le climatiseur, littéralement « isi » (le truc) qui contrôle (« lolonga ») l’air (« moya »): un équipement répandu autour de Durban pour résister à la chaleur des étés zoulous mais n’avait pas de nom dans cette langue.
M. Mubyazi a aussi trouvé un équivalent pour dire « pollution » (« umnukubalo » composé à partir de « nuku » -personne malpropre- et « balo » -nature), « four à micro-ondes » (« izanyanyana » qui vient de « iza » -les vagues- et « nyana » -petites), ou encore essuie-glaces (« amawusha », mot dont la sonorité évoque le frottement des balais contre la vitre).

Afrique du Sud: un écrivain modernise le zoulou
« Les langues évoluent, et le zoulou ne doit pas rester à la traîne sinon il va devenir inutile », explique à l’AFP M. Mbuyazi.
« Beaucoup de gens parlent avec fierté de la préservation du Zoulou mais la vérité est qu’en conservant la langue sans la changer, ils contribuent à sa mort », ajoute-t-il.
Le zoulou a beau être la langue de l’actuel président de la République Jacob Zuma qui l’utilise régulièrement au Parlement, dans les grands domaines de la connaissance, la technologie, les sciences, les mathématiques, « les mots manquent pour tenir une conversation » en zoulou, constate M. Mbuyazi.
Ce passionné milite aussi pour une refonte du système de numération zoulou, inadapté selon lui à un monde de plus en plus informatisé. Pour écrire le chiffre « huit » en zoulou, on compte 17 lettres (« isishiyagalombili ») et il faut plus de temps à un locuteur zoulou pour énoncer dans sa langue le nombre « 889.99 » que pour porter à ébullition une casserole d’eau sur un petit feu, aime-t-il plaisanter.
M. Mubyazi lui-même a eu beaucoup de mal à faire paraître son roman, intitulé « AmaYiphendleya – IsiQalo Sakho Konke ». Plusieurs grands éditeurs ont répondu négativement, affirmant qu’il n’y avait « pas de marché pour la littérature zouloue ».
Le zoulou, malgré 22,7% de locuteurs de langue maternelle en Afrique du Sud, est réduit à la portion congrue au plan éditorial.
Aucun roman en zoulou n’est paru en 2011, et à l’instar des autres langues africaines, les nouveaux ouvrages en zoulou étaient essentiellement des livres d’enfants, tous des traductions, selon l’association des éditeurs d’Afrique du Sud (Pasa).
Par comparaison, entre 100 et 200 fictions adulte et jeunesse paraissent chaque année en afrikaans, la langue des descendants des premiers colons, dérivée du néerlandais, répandue comme langue de travail mais pratiquée à la maison par moitié moins de personnes que le zoulou.
Historiquement, l’Afrique du Sud a ignoré les langues noires (pedi, sotho, tswana, ndebele, xhosa, swati, tsonga, venda et zoulou) jusqu’à l’avènement de la démocratie en 1994, date depuis laquelle le pays reconnaît onze langues officielles, toutes placées sur un pied d’égalité.
Si le zoulou tire son épingle du jeu avec deux journaux, de nombreux locuteurs parlent un zoulou de plus en plus créole, mélangé à de l’anglais. L’anglais et l’afrikaans continuent de dominer par ailleurs les productions écrites, académiques notamment.
M. Mbuyazi a finalement publié en 2012 à compte d’auteur. On ne trouvera son roman avec son lexique de néologismes zoulous dans la vitrine d’aucune grande librairie. Avec 250 volumes imprimés, et 80 vendus, il est disponible uniquement par commande sur internet (info@mbuyazi.com) en zoulou… ou en anglais « The WIBY Kids -How It All Began).
Ses efforts et son projet de grand dictionnaire zoulou sont toutefois salués par la communauté universitaire, comme le professeur Nhlanhla Mathonsi. « Créer des mots nouveaux exige une compréhension intime de la langue et de ses nuances… les mots ne doivent pas embrouiller l’esprit des gens mais les éclairer », prévient cependant ce chercheur de l’université du Kwazulu-Natal. 

AFP 

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