A Gao, dans le nord du Mali, ils patrouillent comme les autres soldats maliens. Mais les hommes du colonel-major Alaji Ag Gamou, d’ex-rebelles touareg pour beaucoup, se heurtent à la méfiance d’une partie des habitants et de certains de leurs frères d’armes, qui les « ont à l’oeil ».
Une trentaine de soldats, postés à l’entrée est de la grande cité du Nord (1.200 km au nord-est de Bamako), sautent dans des pick-up pour une patrouille.
Ils font partie des quelque 400 éléments du colonel-major Gamou revenus la semaine dernière et basés dans la zone de Gao. Ils s’étaient repliés et avaient été cantonnés au Niger voisin après leur défaite en mars 2012 face aux groupes armés, notamment le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), dernière rébellion touareg indépendantiste en date.
Des habitants saluent la patrouille en route vers le centre de la ville, reprise le 26 janvier par les armées française et malienne aux jihadistes, qui après avoir conquis le Nord avec le MNLA l’en avaient évincé, comme à Gao.
« Vive le Mali, vive la France! », lancent des jeunes aux soldats en treillis, des Touareg à la peau claire. « Je suis content de rentrer pour aider à la libération de mon pays », confie à l’AFP l’un des soldats, Ahmed, turban gris autour du cou. « Mais très franchement c’est la France qui a fait le plus gros boulot, à nous de faire de notre mieux », glisse-t-il.
Près du grand marché, les soldats, visage fermé, fouillent une boutique. Rien de suspect.
« Malien avant d’être Touareg »
« Nous voulons sécuriser toute la zone », expliquait à l’AFP le colonel-major Gamou à son arrivée samedi à Gao. C’est pour lui son devoir de militaire: « je suis Malien avant d’être Touareg. Le Mali, c’est mon pays ».
Nombre de ses soldats sont comme lui des anciens des rébellions touareg des années 1990-2000, intégrés dans l’armée dans le cadre d’accords de paix.
De quoi nourrir la méfiance d’une partie de la population de Gao (environ 70.000 habitants avant l’exode des derniers mois), que les Touareg et les Arabes, souvent assimilés aux groupes armés, ont désertée ces derniers jours.
Face aux hommes de Gamou, « nous devons demeurer vigilants, ne pas trop leur faire confiance », estime Abdoulaye Kabo, membre de la majorité noire et employé d’une ONG locale. Il se rassure toutefois: « étant de fins calculateurs, ils savent qu’ils ont pour le moment leur intérêt au sein de l’armée malienne, non dans les grottes des montagnes où ils sont exposés au froid, aux maladies et à la pauvreté ».
Le gros des troupes islamistes en fuite se serait caché avec ses chefs dans les régions montagneuses près de Kidal (extrême Nord-Est).
A propos des soldats de Gamou, Alhessane, vendeur de thé, est catégorique. « Il faut les avoir à l’oeil », assène-t-il, approuvé par ses clients assis autour d’une table en bois. « Ils nous ont déjà trahis plusieurs fois alors qu’on vivait en harmonie avec eux, ils ont pris les armes contre nous ». Un seul client, Idrissa, exprime son désaccord. Pour lui, les éléments de l’ex-rebelle devenu un homme-clé de l’armée sont venus « risquer leur vie ». « Ils font preuve de patriotisme et on doit leur faire confiance ».
Avec leurs frères d’armes maliens, la situation est également parfois délicate. Dans les premiers jours, ils se côtoyaient d’ailleurs peu à Gao. « Au sein de l’armée malienne, il y en a qui ne leur font pas confiance », observe un soldat. Mais les temps ont changé, réplique un caporal: « il n’y a plus de différence entre nous et les gens de Gamou ».
Au moment de la déroute l’an dernier, Alaji Ag Gamou avait créé l’émoi en annonçant son ralliement au MNLA. Une « ruse » pour échapper à l’ennemi, avait-il affirmé après coup.
Le colonel-major souhaite désormais aller à Kidal, où sont présents des militaires français et tchadiens, mais aussi des éléments du MNLA et des dissidents du groupe touareg islamiste Ansar Dine.
Kidal, dont l’officier avait été chassé en 2012 par les insurgés, était ces derniers mois le fief d’Ansar Dine, mouvement de son ennemi personnel Iyad Ag Ghaly. Les deux hommes étaient déjà rivaux lorsqu’ils appartenaient aux rébellions touareg des années 1990.
AFP