Au milieu des dunes semées d’épineux, quelques pans de mur et des gravats de calcaire. La maison du défunt « Guide » libyen Mouammar Kadhafi à Tombouctou, utilisée par les jihadistes qui occupaient la cité malienne, n’est plus que ruines, dévastée par des missiles français.
La demeure que certains qualifient de « palais » était plutôt une villa au vu de ses dimensions (environ 200 mètres carrés au sol), construite de plain pied sur un domaine sableux de cinq hectares juste après la sortie de la ville, sur la route de l’aéroport.
Les islamistes armés – Al-Qaïda au Maghreb islamique et Ansar Dine, (Défenseurs de l’islam) – qui ont occupé Tombouctou près de 10 mois, amputant, lapidant et terrorisant la population avant de prendre la fuite le week-end dernier face à l’avancée des armées française et malienne, l’ont utilisé comme base logistique: ils y stockaient armes et munitions, selon des sources locales et le gardien des lieux.
Mais leur quartier général se trouvait dans l’ancienne base militaire du centre-ville, où les soldats maliens ont aujourd’hui repris leurs quartiers.
Résultat de l’attaque française du 22 janvier: seuls quelques pans de murs sont encore debout, peints en blanc à l’intérieur, l’extérieur étant composé des blocs de calcaires typiques de l’architecture locale.
« Il n’y a eu aucun mort civil, aucun blessé », avait alors indiqué une source sécuritaire malienne.
Un habitant de Tombouctou, proche du monde des affaires, avait par contre affirmé que « des islamistes avaient été tués » par les missiles. Impossible de vérifier si des cadavres pourrissent sous l’énorme tas de gravats.
« Avant c’était joli »
Des fragments de décorations et de meubles montrent qu’ici comme dans ses résidences en Libye, l’intérieur des lieux avait été aménagé avec le kitsch qu’affectionnait le « Guide » libyen, tandis que l’extérieur semblait « moderne », selon plusieurs habitants.
« Avant, c’était joli », se souvient le gardien des lieux, Al Mehedi Dicko, 39 ans, qui vit toujours dans une tente à l’entrée du domaine et ne sait pas si des rebelles se trouvaient là au moment du bombardement.
Selon lui, « Kadhafi n’est jamais venu. Mais son fils, Seif al-Islam, est venu il y a trois ans, avec beaucoup de soldats ».
« Parfois aussi, des Libyens importants venaient », poursuit M. Dicko, sans pouvoir les nommer. « Ils étaient gentils, ils donnaient de l’argent et beaucoup de cadeaux ».
Tombouctou, à 900 km au nord-est de Bamako, est une ville-phare de la culture musulmane en Afrique, classée au patrimoine mondial de l’humanité.
Le terrain où se trouve la maison avait été offert au colonel Kadhafi en 2006 par les autorités maliennes, un geste très politique: avant le conflit malien, près de la moitié de la population de Tombouctou était composée de Touareg – aujourd’hui en fuite pour éviter des représailles – dont le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion), est en partie à l’origine de la crise actuelle.
C’est le MNLA qui, profitant de la faiblesse militaire malienne, avait commencé à conquérir le nord du pays début 2012, rapidement supplanté par les groupes armés liés à Al-Qaïda.
Mouammar Kadhafi lui-même avait toujours choyé les Touareg, ethnie vivant à cheval sur plusieurs pays (Libye, Algérie, Niger, Mali). Il était allé jusqu’à leur octroyer des « passeports touareg », reconnaissant ainsi leur existence en tant que nation, et leur distribuait abondamment argent et cadeaux.
De nombreux Touareg étaient également enrôlés dans l’armée libyenne – leurs armes circulent aujourd’hui au Mali – et ont combattu pour le « Guide » lorsqu’il a été confronté à une insurrection populaire, appuyée par les Occidentaux, qui a finalement entraîné sa mort le 20 octobre 2011 à Syrte (Libye).
AFP