L’armée française a pris position mercredi à Kidal, dernière grande ville du Nord du Mali sous le contrôle de groupes armés, après avoir repris en 48 heures aux islamistes, avec l’armée malienne, Gao et Tombouctou .
Des « éléments français ont été mis en place cette nuit à Kidal », à 1.500 km de Bamako, dans l’extrême nord-est du Mali, près de la frontière algérienne, a affirmé mercredi à Paris le porte-parole de l’état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burkhard.
Il confirmait des témoignages sur l’atterrisage à Kidal d’un avion français, dans la nuit de mardi à mercredi.
« Ils ont pris position sur l’aérodrome », a déclaré un responsable de l’administration locale, dont le témoignage a été confirmé par des notables touareg et une source de sécurité de la région.
Kidal était le fief d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), dirigé par Iyad Ag Ghaly (ex-rebelle touareg), un groupe islamiste armé allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Mais un groupe dissident d’Ansar Dine, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), a récemment affirmé tenir Kidal avec les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Le MIA a assuré rejeter le terrorisme et prôner une « solution pacifique » à la crise.
« Les Français ont rencontré des membres du MNLA et aussi le secrétaire général du MIA, Algabass Ag Intalla, ainsi que des notables locaux », a affirmé un membre de l’administration locale.
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes, dont Ag Ghaly et l’Algérien Abou Zeïd, un des émirs d’Aqmi, se sont réfugiés dans le massif des Ifoghas, montagnes au nord de Kidal, près de la frontière algérienne.
Des centaines de personnes ont fui Kidal vers des villages plus au nord, vers l’Algérie, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, qui affirme que l’accès à la nourriture et aux biens de première nécessité a été sérieusement affecté par le conflit et la fermeture de la frontière.
Dans toutes les villes reconquises, les soldats français ont toujours pris soin d’apparaître aux côtés de militaires maliens, à qui ils laissent le soin de patrouiller les rues.
Mais à Kidal, le MIA et le MNLA ont affirmé leur vive hostilité à la présence de soldats maliens, craignant des exactions contre les communautés arabe et touareg.
A Tombouctou, au lendemain de l’entrée des soldats français et maliens, des centaines de personnes ont attaqué mardi des dizaines de magasins tenus, selon elles, par « des Arabes », « des Algériens », « des Mauritaniens », accusés d’avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda.
« Aux Africains de prendre le relais »
Face au « risque d’exactions » et de représailles, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a souhaité « le déploiement rapide d’observateurs internationaux » pour veiller « au respect des droits de l’homme ».
Human Rights Watch avait évoqué dès lundi « des risques élevés de tensions inter-ethniques » dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg souvent assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.
La situation se complique également sur le plan humanitaire à Tombouctou, où les habitants se plaignent de la hausse du prix de la nourriture. L’armée malienne poursuit ses opérations de sécurisation, recherchant mines et armes abandonnées par les islamistes, mais aussi d’éventuels combattants restés en ville.
Les témoignages se sont multipliés sur la destruction par les islamistes en fuite de précieux manuscrits de Tombouctou datant de plusieurs siècles dans cette cité qui fut la capitale intellectuelle et spirituelle de l’islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles, mais le nombre exact des manuscrits brûlés n’est pas connu.
L’opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, plus importante ville du nord et un des bastions islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.
De son côté, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a affirmé au journal Le Parisien que les forces françaises quitteraient « rapidement » le Mali. « Maintenant, c’est aux pays africains de prendre le relais », a-t-il souligné.
A Bamako, se projetant dans l’après-guerre, les députés ont voté mardi la mise en place d’une « feuille de route » politique, prévoyant une discussion avec certains groupes armés dans le cadre de la « réconciliation nationale ».
Et le président malien Dioncounda Traoré a déclaré espérer des élections avant le 31 juillet.
A Addis Abeba, une conférence des donateurs internationaux a levé 455 millions de dollars (338, M EUR) destinés aux besoins militaires et humanitaires du Mali.
Le chef d’état-major des armées françaises, l’amiral Edouard Guillaud, est arrivé mardi soir à Bamako, où il a été reçu par le Premier ministre Diango Cissoko.
« Les forces armées maliennes et les forces armées françaises ont inversé le cours des choses. Le rétablissement de la légalité malienne au nord du Mali a commencé », a-t-il déclaré à l’issue de cet entretien.
AFP