Venance, avec ses mains à demi atrophiées, ou Shamba, une femme âgée qui trempe son pied devenu un moignon dans une bassine, savent que la lèpre, qui a mutilé leur corps, continue de frapper en Afrique centrale.
Les tristes « camps de lépreux » où étaient regroupés les malades au début du siècle ont disparu mais la maladie persiste, notamment dans l’immense République démocratique du Congo (RDC). Et elle est d’autant plus dangereuse que médecins et infirmières, plus rarement confrontés à la lèpre, risquent de ne pas la diagnostiquer.
Heureusement, la maladie est en nette régression, selon le docteur Jean-Norbert Mputu, directeur du Programme national de lutte contre la lèpre. En 2011, sur 68 millions d’habitants, 3.949 cas ont été signalés, contre 11.781 en 2001. A Kinshasa — 10 millions d’habitants– – une cinquantaine de malades sont recensés chaque année.
Quelques jours avant la 60ème journée mondiale des lépreux dimanche, l’hôpital de la Rive, censé regrouper tous les lépreux de Kinshasa, continue d’en accueillir. Mais il en arrive de moins en moins, reconnaît son directeur, le docteur Mazez Kabey, ce qui rend difficile la formation de personnel spécialisé.
La plupart des malades qu’il voit arriver viennent de régions reculées, parfois même de l’Angola voisin, où on n’accède qu’à pied ou en deux roues, et où la vie est précaire. Ils ne savent pas qu’ils sont atteints, ils mettent de longues semaines à venir et viennent en dernier recours, explique le médecin.
Théoriquement, une équipe spécialisée devrait, dès qu’un cas est dépisté, se rendre dans le village du malade pour chercher d’éventuelles contaminations de l’entourage direct, mais faute de moyens, cela se fait de moins en moins, regrette le Dr Kabey.
Depuis la fin des années 90, le traitement ambulatoire est recommandé, explique-t-il devant ses armoires à pharmacie vides. Des fondations et des laboratoires occidentaux fournissent gratuitement des plaquettes didactiques, qui supposent un suivi mensuel. Une lèpre multibacillaire est guérie dans l’année, la monobacillaire dans les six mois, assure le praticien.
« La fin des camps de lépreux »
« Mais il faut aussi un suivi familial et psychologique », commente le médecin dans son bureau installé à quelques dizaines de mètres du fleuve Congo. Un proche est désigné pour surveiller la prise régulière des médicaments.
Même quand la maladie est soignée, de nouvelles habitudes pratiques sont indispensables pour pallier la disparition de nombreuses terminaisons nerveuses. La disparition de phalanges, souvent constatée chez un malade, n’est pas due à la maladie mais au fait que celle-ci les rend insensibles aux brûlures et aux blessures et que, peu à peu, les blessures s’aggravent et ne sont pas soignées car indolores.
Derrière l’hôpital de la Rive, subsistent les habitations d’un ancien « camp de lépreux », comme il en existait dans la plupart des hôpitaux africains il y a cinquante ans. Avant la découverte d’un traitement au début des années 50, les malades étaient placés en quarantaine et regroupés dans ces camps jusqu’à leur mort.
Les bâtiments ont subsisté, ont été rénovés et des malades s’y sont installés – ne voulant pas revenir dans leur village d’origine. Ils survivent en pêchant ou en vendant des produits de première nécessité, des allumettes, du savon, des brosses à dents.
Sous un auvent de paille, une équipe d’infirmière badigeonnent des pieds, des mains, abîmés par des ulcères mais ces malades ne comptent pas revenir chez eux en attendant la prochaine visite mensuelle, c’est trop loin.
Des médecins congolais ont aussi été formés à la chirurgie spécifique à cette maladie afin de rendre aux malades la possibilité de tenir quelque chose ou de marcher normalement. Une ONG belge, « Action Damien », a financé un bloc opératoire et des médecins indiens viennent assurer des formations chaque année.
AFP