Le dirigeant historique du parti de la minorité turque en Bulgarie, Ahmed Dogan, a été l’objet samedi d’une tentative d’attentat, dont l’auteur a été arrêté par la police, a annoncé le vice-président de ce parti, Lyutvi Mestan.
Pendant le congrès du Mouvement pour les droits et les libertés (MRF), au moment où Ahmed Dogan s’adressait de la tribune aux délégués, un homme âgé de 25 ans et, selon la police, armé d’un pistolet à gaz et de deux couteaux, a essayé de tirer sur lui, mais sans succès.
Les télévisions ont montré le jeune homme habillé en noir monter sur la tribune en courant et s’approcher à moins d’un mètre de M. Dogan, le bras tendu, un pistolet dirigé vers sa tête. Celui-ci l’a regardé d’un air effrayé et a repoussé son bras. Alors que l’assaillant faisait un mouvement pour charger son pistolet, M. Dogan a disparu derrière le pupitre de la tribune. Le jeune homme a ensuite été maîtrisé par des gardes de corps et des délégués et passé à tabac, selon des images diffusées par les chaînes de télévision.
Le directeur de la police Valeri Yordanov a déclaré que l’auteur de la tentative d’attentat était muni d’un pistolet à gaz qui ne pouvait pas menacer la vie de M. Dogan. Il a estimé que le jeune homme, d’origine turque, qui a attaqué le leader du MRF devrait être accusé de hooliganisme et non pas de tentative de meurtre.
Ahmed Dogan, âgé de 58 ans, dirige le MRF depuis sa fondation, en 1990, et son parti a participé à deux reprises à des gouvernements de coalition à direction socialiste (les ex-communistes) ou de centre gauche de 2001 à 2009, mais est aujourd’hui dans l’opposition au gouvernement conservateur du Premier ministre, Boïko Borissov.
Ahmed Dogan est réapparu dans la salle quatre heures après l’incident, souriant et applaudi par les délégués, et a aussitôt annoncé sa démission de la présidence du parti, une décision prévue depuis plusieurs semaines et sans rapport avec la tentative d’attentat.
« Ma décision de me retirer est catégorique. Je propose Lyutvi Mestan, un député respecté », actuel vice-président du MRF, « pour ma succession », a-t-il déclaré. Le fondateur du MRF a expliqué sa décision par « une diabolisation » de son image qui desservirait son parti à la veille des élections législatives, en juillet.
Ahmed Dogan a vivement critiqué Boïko Borissov, lui reprochant de supprimer la libre initiative dans l’économie et de contrôler les médias en vue de « remplacer la démocratie par une dictature ».
Homme politique controversé, Ahmed Dogan a joué un rôle-clé dans la vie politique bulgare au cours de la transition post-communiste. Via le MRF et sa structure très centralisée, il contrôlait le vote de la minorité turque, évaluée à 10% de la population, le taux le plus élevé de l’Union européenne.
A son actif, il comptabilisait en particulier la paix ethnique en Bulgarie, alors que des conflits ethniques d’envergure sévissaient dans les années 1990 dans les pays voisins issus de l’ex-Yougoslavie. Grâce à son parti, la minorité turque, qui avait fait objet d’une politique d’assimilation sous la dictature communiste, a acquis nombre de droits, dont l’apprentissage du turc à l’école, la liberté religieuse, des programmes télévisés en turc et surtout une représentation incontournable au parlement.
Toutefois, Ahmed Dogan, qui a coopéré au fil des années avec divers alliés politiques – conservateurs, libéraux et socialistes (ex-communistes) – a fini par être critiqué par tous, notamment en raison d’un style autoritaire, et a aussi fait l’objet d’accusations de corruption, mais pour lesquelles il n’a jamais été condamné.
Ces dernières années, la presse bulgare a aussi révélé son appartenance aux services secrets communistes avant qu’il ne se retourne contre le régime et ne soit emprisonné en 1985.
AFP