Le Premier ministre kényan Raila Odinga s’est dit confiant d’être élu président dès le premier tour, en mars, d’une élection qu’il espère cette fois « libre et équitable », en référence à sa défaite il y a cinq ans qui avait plongé le pays dans des violences sans précédent depuis l’indépendance.
« Je suis très confiant dans le fait de pouvoir gagner dès le premier tour », a déclaré dans une interview exclusive accordée à l’AFP M. Odinga, qui avait échoué de peu au précédent scrutin de 2007 face au président sortant Mwai Kibaki.
Plus de mille personnes avaient été tuées, et 600.000 déplacées à la suite de ce scrutin à la régularité contestée, jusqu’à ce que M. Odinga soit finalement désigné Premier ministre d’un gouvernement de coalition, sous pression de la communauté internationale.
« La dernière fois, les gens se sont sentis trompés et il se sont révoltés en conséquence. (…) Nous espérons que ce qui s’est passé la dernière fois ne se répètera pas et que nous aurons des élections libres et équitables », a déclaré le Premier ministre.
« Les gens dans ce pays ont décidé qu’ils voulaient le changement et ils me voient comme le représentant de ce changement », a-t-il dit.
Pour la première fois, les Kényans vont élire cette année leur président par un scrutin à deux tours, avec l’obligation d’obtenir la majorité absolue pour être élu dès le premier tour prévu le 4 mars.
M. Odinga est, comme en 2007, le favori des sondages, et sa coalition vient d’être créditée de 51% des intentions de vote selon une enquête d’opinion publiée vendredi dernier, alors que le chef de l’Etat Mwai Kibaki ne se représente pas.
Le principal adversaire de M. Odinga est le vice Premier ministre Uhuru Kenyatta, fils du premier président du Kenya indépendant, qui se présente malgré son inculpation pour crimes contre l’Humanité par la Cour pénale internationale, pour son rôle présumé dans les violences de 2007-2008.
La contestation de la réélection de M. Kibaki avait alors été aggravée, selon les observateurs, par les antagonismes entre communautés, en l’occurrence les rancoeurs des communautés luo et kalenjin contre celle des kikuyu, principale ethnie du pays dont le président sortant est originaire.
M. Odinga a cependant estimé que ces antagonismes relevaient pour une bonne part « de stéréotypes des médias ». « Les Kényans se voient désormais comme des Kényans, membres d’une nation kényane, et pas comme les représentants de tel ou tel groupe », a-t-il affirmé.
Le Premier ministre kényan estime que les poursuites engagées par la CPI contre M. Kenyatta et son colistier William Ruto « ne pèseront en rien sur le résultat des élections » au Kenya.
« Certaines personnes accusées par la CPI ont tenté de faire de ces élections une question autour de la CPI, un referendum pour ou contre la CPI », mais « cette tentative dérisoire a lamentablement échoué », a-t-il déclaré.
MM. Kenyatta et Ruto, dont le procès devant la CPI doit démarrer en avril, au même moment qu’un éventuel second tour de scrutin présidentiel au Kenya, ont accusé la communauté internationale de vouloir imposer ses choix à leur pays par le biais de ce procès.
M. Odinga, 68 ans, candidat pour la troisième fois à la présidentielle, se revendique « social-démocrate » dans un pays marqué par de criantes inégalités sociales. Il a promis de « réduire substantiellement » son salaire ainsi que celui du vice-président en cas d’élection, alors que les élus kényans figurent aujourd’hui parmi les mieux payés du continent.
AFP