La rébellion congolaise du M23 a assuré jeudi avoir commencé à retirer ses troupes des localités de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) récemment conquises, même si aucun mouvement d’ampleur n’était visible en début d’après-midi.
La rébellion, composée de mutins de l’armée régulière de RDC qui menacent le pouvoir du président congolais Joseph Kabila, a d’ailleurs prévenu qu’aucun désengagement de la ville clé de Goma elle-même ne surviendrait avant vendredi.
« Nous avons rassemblé nos troupes et allons nous diriger vers Sake », à une trentaine de km à l’ouest de Goma, « nous commencerons à quitter Goma demain » (vendredi), a déclaré Antoine Manzi, colonel du M23, à l’AFP. « Nous ne pouvons pas quitter Goma avant d’avoir quitté les autres zones », a-t-il ajouté.
Les rebelles ont accepté de quitter d’ici à vendredi leurs positions fraîchement conquises, aux termes d’une médiation des pays voisins de la région des Grands Lacs, et alors que M. Kabila s’engageait à étudier leurs revendications en échange du repli. Ils doivent se retirer vers leurs positions initiales, à au moins 20 km au nord de Goma, capitale de la riche province minière du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda, qu’ils ont prise le 20 novembre.
Leur promesse de retrait est intervenue alors que la communauté internationale — Conseil de sécurité de l’ONU, Etats-Unis — a de nouveau demandé mercredi que cesse tout appui extérieur à la rébellion. Un appel à peine voilé au Rwanda et à l’Ouganda, accusés, malgré leurs démentis, par l’ONU et Kinshasa de soutenir la rébellion.
Les troupes du M23 doivent commencer par quitter les positions les plus à l’ouest, dans le territoire du Masisi, où se situe Sake. Contrairement aux indications précédemment données par le M23, le gros des troupes devrait en fait contourner Goma pour remonter vers les positions initiales du M23, a rapporté jeudi la mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monusco).
Incertitudes sur le retrait
Si du matériel militaire a commencé à être évacué dès mercredi, des journalistes de l’AFP présents dans la région observaient toujours jeudi la présence de troupes à Sake et, dans une moindre mesure, comme les jours précédents, à Goma.
« Hier après-midi, j’ai vu trois pick-ups avec des soldats qui se dirigeaient (depuis Sake) vers Goma, mais ce matin, il n’y a rien, » a raconté à l’AFP Riban Amani, habitant d’un district ouest de Goma. « Ils disent qu’ils vont partir mais, nous, la population, nous n’en sommes pas sûrs. »
Dans les rues de la capitale régionale, le retrait annoncé des troupes du M23 suscitait impatience chez certains et crainte de nouvelles violences chez d’autres. Les premiers racontent que l’activité économique s’est tarie depuis dix jours. Les seconds redoutent que l’armée de RDC (FARDC), en revenant, ne s’en prenne aux civils restés sur place sous l’occupation des rebelles.
« Même si le M23 n’a pas la capacité de faire tourner la ville sur le plan économique, on n’a pas confiance dans les FARDC, » dit l’un d’eux, Franck. Selon lui, les personnes d’origine tutsi parlant kinyarwanda, comme l’essentiel des rebelles, seront particulièrement visées mais toute la population est en danger.
A une dizaine de km de Sake, dans la petite localité de Mushaki, les rebelles en étaient toujours à préparer leur départ. Mushaki est l’un des centres désignés par la direction militaire du M23 pour rassembler les rebelles avant leur retrait.
Selon un photographe de l’AFP présent sur place, les rebelles envoyaient encore des civils chercher des caisses de munitions entreposées en haut d’une colline voisine jeudi après-midi.
Le M23 est un mouvement essentiellement composé d’ex-rebelles tutsi congolais qui avaient intégré l’armée de RDC après un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec les autorités de Kinshasa.
Ses hommes se sont mutinés à partir d’avril cette année, avant de créer le M23 en mai, reprochant aux autorités de RDC de n’avoir jamais pleinement respecté l’accord de paix.
Les rebelles du M23 refusent notamment toute mutation hors de leur région du Kivu et ce afin, disent-ils, de protéger leurs familles et les membres de leur ethnie qu’ils estiment en danger.
Vendredi, des chefs d’état-major des pays des Grands Lacs sont attendus à Goma pour constater le repli des rebelles.
« Ils se retirent et vont continuer à se retirer, » a assuré jeudi le chef d’état-major ougandais, Aronda Nyakairima, depuis Kampala. « Ce n’est pas comme quand des civils fuient, ce sont des militaires, et (leur retrait) n’est pas si évident. »
AFP