Les Palestiniens devraient acquérir jeudi une nouvelle stature internationale en accédant au rang d’Etat observateur non-membre à l’ONU, une évolution suscitant pour l’instant une réaction mesurée d’Israël et de son allié américain.
Le président palestinien Mahmoud Abbas soumettra au vote de l’Assemblée générale de l’ONU, à partir de 20H00 GMT un projet de résolution octroyant à la Palestine, actuellement « entité » observatrice, le statut « d’Etat observateur non membre ».
A Jérusalem, le Premier ministre israélien a affirmé que le vote de l’ONU en faveur de ce statut à la Palestine « ne changera rien sur le terrain ». Cette résolution des Nations Unies ‘ »ne fera pas avancer la création d’un Etat palestinien. Au contraire, elle va l’éloigner », a jugé Benjamin Netanyahu .
Pour autant, Israël n’annulera aucun accord conclu avec les Palestiniens. « Tout ce que nous ferons après ce vote c’est d’appliquer ces accords à la lettre », a précisé le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor.
La résolution « exprime l’espoir que le Conseil de sécurité considérera de manière favorable » sa candidature comme membre à part entière, déposée en septembre 2011 par M. Abbas mais torpillée au Conseil par une menace de veto américain.
Elle appelle à une reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes, en panne depuis plus de deux ans, pour qu’un Etat de Palestine puisse coexister « aux côtés d’Israël en paix et en sécurité, sur la base des frontières d’avant 1967 ».
Ce texte est assuré de recueillir la majorité simple requise pour son adoption parmi les 193 pays membres. L’enjeu est davantage dans l’ampleur de la victoire palestinienne et dans les conséquences sur le terrain et au sein de l’ONU.
« A 130 voix pour, pas de quoi pavoiser mais si c’est 150 ou 160 ce sera un succès », analyse un diplomate occidental.
La date de jeudi n’a pas été choisie au hasard: c’est l’anniversaire de l’adoption par l’ONU en 1947 du plan de partage de la Palestine mandataire, qui prévoyait un État juif et un État arabe.
Les ministres des affaires étrangères de Jordanie, de Turquie, du Canada et d’Indonésie assisteront au vote.
Les Etats-Unis voteront contre la résolution, comme le Canada. Pour Washington et Israël, seule la négociation directe peut mener à la création d’un Etat palestinien. « Le chemin vers une solution à deux Etats qui satisferait les aspirations des Palestiniens passe par Jérusalem et Ramallah, et non par New York », a réaffirmé la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Les Américains ont tenté in extremis mercredi sans succès de dissuader le président palestinien Mahmoud Abbas de poursuivre ses efforts pour rehausser son statut à l’ONU. M. Abbas a rencontré à New York le secrétaire d’Etat adjoint américain Willliam Burns et l’envoyé spécial pour le Proche-Orient David Hale.
De leur côté, les Européens arrivent divisés à ce vote. Sur les 27 pays de l’Union européenne, une douzaine sont en faveur de la résolution (dont France, Espagne, Danemark et Autriche). Mais Londres et Berlin notamment devraient s’abstenir. La Russie s’est dite favorable, tout comme la Turquie et la Suisse.
Plusieurs des Européens, selon des diplomates, estiment que le moment est mal choisi et espèrent, comme l’a souhaité le chef de la diplomatie britannique, William Hague, qu’à la tribune de l’Assemblée Mahmoud Abbas s’engagera à reprendre bientôt les négociations.
Les Européens redoutent aussi que Washington ne coupe les vivres aux agences de l’ONU auxquelles les Palestiniens, avec leur nouveau statut, pourront adhérer. Quand la Palestine a rejoint l’Unesco en octobre 2011, les Etats-Unis ont immédiatement stoppé leur financement (22% du budget), comme les y obligent deux lois américaines datant des années 1990.
Ce qui inquiète de leur côté Israéliens et Américains, mais aussi les Britanniques, c’est la possibilité qu’auraient désormais les Palestiniens de rejoindre la Cour pénale internationale et d’y porter plainte contre Israël. Des responsables palestiniens ont évoqué cette hypothèse si Israël poursuit sa politique de colonisation en Cisjordanie.
Israël et les Etats-Unis ont brandi la menace de sanctions en cas de vote positif. Le Congrès pourrait ainsi refuser de verser 200 millions de dollars d’aide promis aux Palestiniens. Israël pourrait bloquer les taxes qu’il perçoit pour le compte de l’Autorité palestinienne, réduire le nombre de permis de travail pour les Palestiniens, voire abroger les accords de paix d’Oslo de 1993.
En compensation, la Ligue arabe a promis aux Palestiniens un « filet de sécurité » de 100 millions de dollars par mois.
AFP