Ansar Dine, l’un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, a solennellement proclamé mardi à Ouagadougou son rejet du « terrorisme » et appelé au dialogue, alors que se prépare une intervention militaire africaine.
« Ansar Dine rejette toute forme d’extrémisme et de terrorisme et s’engage à lutter contre la criminalité transfrontalière organisée », indique une déclaration lue par un membre de la délégation du groupe présente à Ouagadougou depuis le 2 novembre et reçue par le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne pour la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Cette déclaration marque un tournant car elle semble traduire une prise de distance d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam) avec ses alliés jihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), avec qui il contrôle le nord du Mali.
Ces groupes y imposent la charia (loi islamique) de manière très rigoriste (lapidations de couples non mariés, amputations de présumés voleurs…) et y commettent de nombreuses exactions.
Tout en saluant ces engagements, le chef de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé, a d’ailleurs souhaité qu’ils aillent « au-delà de la déclaration d’intention » et se traduisent en « actes ».
Il faut que les groupes armés du Nord malien « s’abstiennent d’actes et d’exactions qui prennent l’allure de provocations inutiles », a-t-il insisté, alors qu’Ansar Dine n’a pas fait de référence à la charia et a seulement évoqué le « respect des droits et des libertés fondamentales ».
De son côté, un responsable de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Ibrahim Ag Assaleh, a depuis Ouagadougou « félicité » Ansar Dine pour s’être « démarqué du terrorisme », et a lui aussi réclamé le dialogue. Laïc et prônant l’autodétermination, le MNLA avait été évincé de la région par les islamistes. Mais il est largement considéré comme un acteur d’une éventuelle solution négociée.
Ansar Dine, surtout composé de Touareg maliens comme son chef Iyad Ag Ghaly alors que les groupes jihadistes sont taxés d' »étrangers », a exhorté à ouvrir sans délai un « dialogue politique inclusif », à l’adresse des autorités maliennes de transition comme des autres groupes armés.
En vue d’un « accord global de paix », il a « recommandé » à M. Compaoré « la mise en place d’un cadre de dialogue » associant Bamako, les « mouvements armés maliens », l’Algérie et d’autres partenaires internationaux.
Il s’est enfin engagé à « un arrêt total des hostilités » et a appelé « l’ensemble des mouvements armés » à l’imiter.
« Récupérer le Nord »
Si le revirement d’Ansar Dine se confirme, une intervention armée africaine dans le nord du Mali ne devrait viser que les organisations islamistes « terroristes ».
Des chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) étaient réunis mardi à Bamako pour étudier le plan d’opération de cette force armée qui a été élaboré par des experts internationaux.
Ce « concept d’opération » devrait ensuite être approuvé par les dirigeants politiques régionaux, puis transmis avant le 26 novembre au Conseil de sécurité de l’ONU, qui a voté le 12 octobre une résolution donnant à la Cédéao 45 jours pour préciser ses plans.
L’enjeu est d' »aider rapidement le Mali à récupérer le Nord », a déclaré le général Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major de l’armée ivoirienne, dont le pays préside la Cédéao.
Des troupes non-africaines pourraient participer à l’opération si les chefs d’Etat africains donnent leur accord, avaient indiqué lundi des experts.
Jusqu’à présent, la France et les Etats-Unis ont toujours écarté l’idée d’envoyer des troupes, mais se sont déclarés prêts à fournir un appui logistique. Des responsables ouest-africains espèrent une intervention de leur aviation, qui pourrait s’avérer décisive pour chasser les groupes islamistes.
Selon un responsable africain, le nombre de militaires de la force de la Cédéao « pourrait atteindre les 4.000 au lieu des 3.000 initialement prévus » et ils seraient répartis « un peu partout » au Mali.
AFP