Chaque jour de plus en plus d’Haïtiens, fuyant la misère et le chômage de leur île encore marquée par le séisme de 2010, se bousculent devant les services consulaires du Brésil près de Port-au-Prince, dans l’espoir de décrocher un visa.
« Je veux rejoindre mon frère qui est parti depuis 2010. Je suis seule ici et je ne fais rien », explique Marie Danielle, 22 ans, visiblement tendue, en répondant à l’agent haïtien chargé de recevoir les documents des demandeurs.
Dans la petite salle d’attente, une trentaine de personnes patientent, les bras chargés de documents. Dehors, la file de postulants s’étire devant l’imposant immeuble qui abrite l’ambassade du Brésil à Pétionville, dans la banlieue est de la capitale.
Parmi la foule, des jeunes chômeurs, mais aussi des professionnels comme Jean Wilson Exantus, un enseignant qui veut laisser tomber la craie pour le Brésil.
« Je ne réalise rien avec l’enseignement. Quel salaire? Je ne gagne rien. Je veux partir pour aider ma famille », raconte le professeur dans un français impeccable.
Comme lui, de nombreux Haïtiens tentent de fuir leur pays où le taux de chômage avoisine les 70% de la population active et où plus de la moitié des gens vivent avec moins de deux dollars par jour.
« Il n’y a pas de vie en Haïti. Je veux partir. Je veux m’en aller », estime une femme en brandissant son passeport.
« Depuis deux ans, chaque jour, nous recevons plus de 200 demandes de visas. Nous avons dû ouvrir des services consulaires qui n’existaient pas avant », rapporte le fonctionnaire brésilien Vitor Hugo Irigaray qui fait office de consul.
Sur son bureau, les passeports s’empilent. En arrière plan, un tableau géant d’un peintre haïtien montre un enfant crucifié et des multitudes de croix. « Les Haïtiens fuient la croix. Ils ne veulent plus être crucifiés et le Brésil a décidé d’aider ce peuple qui est si proche de nous », note Vitor Hugo.
Y compris clandestinement
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a aussi poussé des milliers d’Haïtiens à fuir leur pays par tous les moyens, y compris clandestinement, par la mer ou par la terre.
De temps à autres, des navires américains qui patrouillent dans les eaux haïtiennes ramènent par centaines des voyageurs interceptés sur des voiliers en péril. Parfois des drames se produisent.
Empruntant d’autres routes, cette fois terrestres, les Haïtiens arrivent par centaines aux frontières du Brésil avec l’aide de passeurs payés au prix fort.
« C’est un trajet long et coûteux. Ils (les Haïtiens) passent par le Panama, transitent en Equateur avant d’atteindre le Pérou et la Bolivie. Ils payent parfois jusqu’à 4.000 dollars pour arriver au Brésil », explique le consul en dessinant sur une page le parcours emprunté par les immigrants haïtiens.
Entre 5.000 à 10.000 Haïtiens sont déjà arrivés au Brésil sans documents légaux. La plupart sont recueillis par des organisations caritatives qui les hébergent et les nourrissent, avant de leur trouver du travail.
Pour faire face à cette déferlante, le Brésil a adopté une disposition spéciale appelée « Résolution 97 », qui permet d’accueillir légalement 1.200 familles chaque année pendant deux ans jusqu’en janvier 2014.
« Le gouvernement a fait un geste humanitaire et de solidarité (…) Beaucoup de choses nous rapprochent. La musique, la culture, la religion. Le football aussi », soutient l’ambassadeur du Brésil, Luiz Machado e Costa, dont le pays dirige aussi la mission de l’ONU sur l’île depuis le séisme.
Mais le quota de visas sur deux ans est déjà épuisé. « Qu’allons-nous faire
? », s’interroge le diplomate. « Le gouvernement est informé et nous attendons une décision du Conseil national de l’immigration ».
AFP