Les opposants voulaient crier « Kabila dégage » dans tout Kinshasa, vendredi, à la veille du premier sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC), mais leur marche, interdite, s’est transformée en bref sit-in, dans la capitale quadrillée par les policiers.
Le parti fondé il y a trente ans par le leader de l’opposition Etienne Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avait appelé à « occuper les rues », ce vendredi, pour contester la réélection en 2011 du chef de l’Etat Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001.
Mais, jeudi soir, la radio nationale a annoncé inopinément que la journée serait fériée et payée. Et, vendredi, toute manifestation était interdite.
Des policiers anti-émeutes étaient postés tous les cent mètres sur les larges boulevards spécialement aménagés par des entreprises chinoises à l’occasion du Sommet.
Et dans le quartier de Limete, lieu de résidence d’Etienne Tshisekedi et siège de son parti, des pick-ups chargés de forces de l’ordre surgissaient dans les moindres ruelles, survolées par un hélicoptère militaire.
« Dans l’ensemble, c’est très calme. Les autorités ont fait ce qu’il fallait pour ça: décréter un jour férié sans transport en commun et mettre des policiers partout », commentait un officier de la gendarmerie française, Laurent Lefebvre, visitant le siège de l’UDPS pour une « cellule analyses » des Nations unies.
En revanche, devant le siège du Parti du peuple pour la reconstruction et de le développement (PPRD) au pouvoir, une centaine d' »hôtesses de la francophonie » manifestaient leur « joie d’accueillir les visiteurs étrangers ».
« Coup de chapeau au président Kabila! C’est bien organisé: les routes ont été bien arrangées, il y a des balayeurs partout et tout se passe dans le calme », assurait Tania, 26 ans, en dansant.
Au même moment, les opposants se plaignaient amèrement d’être cantonnés au siège de leur parti.
Barrage policier
« Les gouvernants veulent se présenter devant la Francophonie et dire: +le Congo, ça va bien+. Mais rien ne va: on vit comme des chiens, sans électricité stable, sans une société de transports digne de ce nom », lançait Antoine Shambu, quinquagénaire. « Habituellement, dès qu’on veut manifester, il y a des militaires armés qui nous étouffent de gaz lacrymogènes ou même qui tirent à balles réelles », renchérissait Félicien Tshimanga, infirmier de 47 ans.
« Notre chef est séquestré, mis en quarantaine, étouffé! », assurait-il encore, à propos d’Etienne Tshisekedi, arrivé en deuxième position à la présidentielle de 2011 marquée par de « nombreuses fraudes » dénoncées par les observateurs. Depuis, Tshisekedi conteste ce résultat et se proclame lui-même « président ».
Dans l’après-midi, 200 militants sont finalement sortis du siège du parti. Empêchée de marcher par un barrage policier, la foule, formée pour moitié de femmes, a effectué un bref sit-in au milieu du boulevard Lumumba. « Tshisekedi, le choix du peuple », indiquaient des pancartes. D’autres appelaient au départ du président réélu, accusé d’avoir fraudé pour remporter les scrutins.
Samedi, Etienne Tshisekedi doit rencontrer le président français François Hollande en marge du sommet de la Francophonie. L’UDPS a demandé que l’opposant historique de 77 ans soit accompagné à cet entretien par ses militants, ce que redoutent les autorités congolaises et françaises.
Les opposants au président Joseph Kabila ont été encouragés par les déclarations de François Hollande. Avant de s’envoler pour son premier déplacement en Afrique, il avait estimé mardi que la situation en RDC était « tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l’opposition ».
Le Premier ministre canadien Stephen Harper, autre participant au sommet de la francophonie ce week-end, a prévenu vendredi qu’il dirait lui aussi « très clairement » sa « préoccupation » quant au respect des droits de la personne.
AFP