La Guinée équatoriale attaque la France devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour violation du droit international, accusant Paris d’avoir bafoué dans l’affaire des « biens mal acquis » l’immunité pénale de hauts dignitaires équato-guinéens et de ses locaux diplomatiques.
« La République de Guinée équatoriale a saisi la plus haute juridiction mondiale afin d’interdire toute ingérence de la France dans les affaires équato-guinéennes et obliger la France à arrêter toutes les poursuites et toute enquête à l’encontre de ses plus hauts dignitaires », a annoncé mercredi à l’AFP Me Olivier Metzner.
La Guinée « nie tout règlement de comptes politique et demande seulement la stricte application du droit international », a-t-il ajouté.
Deux juges d’instruction français, Roger le Loire et René Grouman, mènent une enquête pour détournements de fonds publics étrangers, relative au patrimoine de chefs d’Etat africains en France.
En juillet, ils avaient délivré un mandat d’arrêt contre le fils du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, après une spectaculaire saisie en février dans un somptueux hôtel particulier parisien évalué à 500 millions d’euros, affecté selon Malabo à sa mission diplomatique. Quelque 200 m3 de biens avaient été saisis, pour l’essentiel des meubles et objets de valeur.
Malabo avait déjà contesté la légalité de ces poursuites, exprimant sa « totale indignation », s’estimant victime d’une « illégitime persécution ».
Dans sa requête déposée mardi au greffe de la Cour et consultée par l’AFP, Malabo accuse Paris de violation du principe de non-ingérence, « en s’attribuant unilatéralement la compétence d’ouvrir une enquête pénale ayant pour objet de rechercher quel usage cet Etat fait de ses fonds ».
La France, en se faisant « juge du fonctionnement d’un autre état », viole, selon Malabo, le principe d’égalité entre les états membres de l’ONU.
Aveu d’impuissance
De plus, la Guinée soutient que Paris bafoue l’immunité pénale de ses deux plus hauts dignitaires mais également celle des locaux et biens de sa mission diplomatique situés 42 avenue Foch à Paris (XVIe).
Malabo affirme dans cette requête avoir avisé en octobre 2011 le Quai d’Orsay de l’utilisation de cet hôtel particulier par sa mission diplomatique, soit plusieurs mois avant sa saisie par la justice française.
La Guinée équatoriale s’estime donc « recevable à demander à la CIJ de faire cesser ces violations du droit international dont elle est victime ».
Il revient désormais à la France de se prononcer sur la compétence de la CIJ, qu’elle peut décliner.
Interrogé par l’AFP, le Quai d’Orsay n’était pas en mesure de réagir immédiatement.
La Cour a rappelé dans un communiqué qu' »aucun acte de procédure ne sera effectué tant que la France n’aura pas accepté (s)a compétence ».
« Si la République Française peut refuser la compétence de la Cour (…) un tel refus serait un mépris des autorités internationales », peut-on lire dans la requête.
Deux ONG de lutte contre la corruption, Transparency international et Sherpa, parties civiles au dossier, ont estimé mercredi que ce recours était « un nouvel aveu d’impuissance de la Guinée équatoriale » et qu’il n’avait « aucune chance de prospérer », selon leur avocat Me William Bourdon.
Installée au Palais de la Paix à La Haye, la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations unies fondé en 1945 par la signature de la Charte des Nations unies, juge principalement les différends entre les Etats.
La CIJ ne dispose pas de moyens coercitifs pour faire appliquer ses décisions mais celles-ci sont généralement respectées en raison de l’accord à priori des parties.
AFP