La France a pris mercredi des mesures de sécurité, anticipant ainsi un possible regain de colère de musulmans après la publication par l’hebdomadaire Charlie Hebdo de caricatures de Mahomet, alors que les manifestations contre un film anti-islam s’étendent dans le monde.
Les craintes se concentrent sur vendredi, journée de prière dans les pays musulmans et qui pourrait donner lieu à une mobilisation accrue contre l’Occident. La vague de violences déclenchée par le film américain anti-islam, titré « L’innocence des musulmans », a fait une trentaine de morts depuis une semaine dans le monde arabo-musulman.
La publication par le journal satirique Charlie Hebdo de dessins sur la controverse créée par ce film amateur, dont deux représentent nu le prophète Mahomet, a provoqué des réactions en série à l’étranger et en France.
Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite basée au Caire, a condamné ces caricatures « portant atteinte à l’islam et à son prophète ». Les islamistes d’Ennahda au pouvoir en Tunisie ont estimé que les musulmans avaient « le droit de protester » après « cette nouvelle attaque contre la personne du prophète ».
La Maison Blanche a « des questions sur le jugement qui a conduit à publier de telles choses », a renchéri le porte-parole du président Barack Obama, Jay Carney, tout en estimant que cela ne pouvait justifier « en aucun cas la violence ».
A Rome, l’Osservatore Romano, le journal du Vatican, a jugé que ces caricatures jetaient « de l’huile sur le feu » et risquaient « d’ouvrir un nouveau front de protestation ».
Les autorités françaises ont immédiatement pris des mesures de sécurité alors qu’en 2005 la publication de caricatures de Mahomet dans un journal danois avait provoqué une longue vague de protestations dans le monde arabe.
Le Quai d’Orsay a annoncé la fermeture vendredi des ambassades, consulats et écoles françaises dans une vingtaine de pays musulmans, même s’il n’y a pas de « menace avérée sur un quelconque établissement ».
Nouvelles manifestations
Dès mercredi, les autorités yéménites ont renforcé la sécurité autour de l’ambassade de France à Sanaa, tandis que la dizaine d’établissements scolaires français de Tunisie étaient fermés à la mi-journée.
Au Caire, une dizaine de fourgons de la police égyptienne et deux véhicules de pompiers équipés de canons à eau étaient stationnés autour de l’ambassade de France. Ecoles et centres culturels français dans le pays devaient fermer dès jeudi.
A Paris, la sécurité a été renforcée autour de l’immeuble abritant la rédaction de Charlie Hebdo, victime d’un incendie criminel en novembre 2011 après la publication de dessins représentant Mahomet.
Les caricatures parues mercredi visent davantage les responsables du film « L’innocence des musulmans » et les islamistes que l’islam lui-même.
Une plainte a été déposée au parquet de Paris contre le journal pour « provocation à la haine ».
Les autorités françaises ont insisté mercredi sur le droit à la liberté de la presse, tout en appelant « chacun à la responsabilité ». « La liberté d’expression c’est un droit fondamental, la liberté de caricature fait partie de ce droit fondamental », a relevé le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Son collègue des Affaires étrangères, Laurent Fabius, jugeait que ces caricatures jetaient de « l’huile sur le feu ».
Tout en condamnant des « dessins insultants à l’égard du prophète », les organisations musulmanes françaises ont appelé à ne pas céder à la « provocation ». Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a annoncé « la lecture d’un message » de calme lors de la prière vendredi.
Une manifestation contre le film islamophobe devant l’ambassade américaine, prévue samedi à Paris, a aussi été interdite.
Après une semaine de violences anti-américaines, les Etats-Unis avaient annoncé mardi avoir pris « des mesures fortes » pour protéger leurs ambassades et consulats.
Restrictions d’accès au film
Les protestations contre le film américain anti-islam ont continué de se propager mercredi dans le monde arabo-musulman.
Au Liban, où le mouvement chiite du Hezbollah libanais a appelé à manifester, des hommes armés ont ouvert le feu sur un fast-food américain KFC à Nabatiyeh (sud), sans faire de victime, selon un responsable de sécurité.
Au Pakistan, environ 500 avocats ont réussi à entrer dans une zone très sécurisée, où est située l’ambassade américaine. « Nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour le prophète », scandaient les manifestants.
Les autorités pakistanaises ont décrété un jour férié national vendredi en l’honneur de Mahomet.
En Afghanistan, un millier d’étudiants ont manifesté pacifiquement à Jalalabad, la principale ville de l’est du pays, en appelant à « la mort de l’Amérique » et aux « ennemis de l’islam », selon des témoins.
Mardi, un attentat suicide visant un minibus sur une autoroute menant à l’aéroport de Kaboul avait tué huit Sud-Africains, un Kirghize et trois Afghans. Le groupe Hezb-e-Islami, la deuxième composante la plus importante des insurgés afghans après les talibans, a revendiqué cet attentat.
En Asie, une première manifestation anti-américaine a réuni mercredi plusieurs centaines de personnes au Sri Lanka: des femmes y frappaient des photos du président Obama à coups de manches à balai. Et les autorités des Maldives ont interdit aux habitants de visionner le film sous peine de problèmes avec la justice.
Le site de partage en ligne de vidéos YouTube a annoncé qu’il étendait à l’Arabie Saoudite ses restrictions d’accès au film anti-islam, déjà en vigueur en Egypte et en Libye, où les violences avaient commencé.
L’ambassadeur des Etats-Unis en Libye et trois autres Américains ont été tués le 11 septembre dans l’attaque armée du consulat de Benghazi. La Libye et le FBI enquêtent sur ce drame.
En Egypte, le procureur général a engagé mardi des poursuites contre sept coptes égyptiens vivant aux Etats-Unis et soupçonnés d’être impliqués dans la production ou la distribution du brûlot islamophobe.
AFP