Le gouvernement islamiste d’Abdelilah Benkirane, arrivé au pouvoir au Maroc il y a huit mois dans le contexte du Printemps arabe, est confronté à une première rentrée délicate, entre grogne sociale, indicateurs économiques en berne et rumeurs de dissensions internes.
Dans ce cadre, M. Benkirane, Premier ministre issu du Parti justice et développement (PJD), a programmé cette semaine des rencontres avec plusieurs organisations syndicales du royaume. Vendredi dernier s’est aussi tenue une réunion de la coalition sur la « rentrée politique et sociale ».
A cette occasion, les secrétaires généraux des quatre partis de la majorité –dont le PJD et l’Istiqlal (nationaliste)– ont notamment mis l’accent sur la « maîtrise du déficit budgétaire », selon l’agence de presse MAP.
Moins d’un an après leur succès historique aux législatives, dans la foulée de l’adoption d’une nouvelle Constitution voulue par le roi Mohammed VI, les islamistes du PJD doivent en effet gérer une situation économique dégradée.
Au cours des dernières années, le Maroc a pu compter sur un taux de croissance du PIB de 4 à 5%. Dans sa déclaration de politique générale, mi-janvier, le Premier ministre avait lui-même tablé sur 5,5% pour 2012.
Mais il s’agit, déjà, d’un vieux souvenir: dès le printemps, le Haut commissariat au Plan (HCP) a divisé par plus de deux cette prévision, à 2,4%.
Conséquence directe, les spéculations vont bon train sur l’ampleur du déficit public. Vendredi, le ministre de l’Economie et des Finances, Nizar Baraka, a dû de nouveau démentir l’hypothèse d’un déficit abyssal (9%), réaffirmant sa volonté de le ramener à 5% (plus de 6% en 2011).
En transmettant, fin août, les lettres de cadrage budgétaire aux ministères, M. Benkirane a insisté sur la nécessaire « gestion vigilante de la dette ».
« La préparation du budget 2013 intervient « dans un contexte difficile », a-t-il prévenu, tout en évoquant dans cette missive une réforme des retraites ainsi que de la « caisse de compensation », qui assure à grands frais la subvention des produits de première nécessité.
« Cherté de la vie »
Début août, le Fonds monétaire international (FMI) a, lui, annoncé l’ouverture d’une ligne de crédit « de précaution » de 6,2 milliards de dollars en faveur du Maroc, afin de le protéger contre les « chocs extérieurs ».
De passage à Rabat, en fin de semaine dernière, Inger Andersen, une haute responsable de la Banque mondiale, a de son côté mis l’accent sur le chômage des jeunes, qui atteint 30%, un problème à prendre « très au sérieux ».
A Rabat, les manifestations de diplômés chômeurs restent coutumières. Plus largement, un appel à manifester avait été lancé au coeur de l’été, avec parmi les revendications « la cherté de la vie », quelques semaines après une hausse de 20% du prix de l’essence.
Quant à l’indice de confiance des ménages, il s’est à nouveau détérioré au deuxième trimestre 2012.
En proie à d’autres dossiers délicats (tourisme, éducation nationale, régionalisation), le gouvernement entend miser sur le dialogue social. Outre la réception des syndicats, Abdelilah Benkirane est attendu prochainement devant la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Mardi, dans un entretien au quotidien L’Economiste, la présidente de la CGEM, Meriem Bensalah Chaqroun, a averti que le pays avait « besoin d’une politique économique claire, cohérente et volontariste ».
« Depuis son entrée en fonctions, le Premier ministre a bien occupé l’espace médiatique, et il a plutôt bien manoeuvré jusque-là malgré quelques sujets épineux », fait valoir auprès de l’AFP une source diplomatique.
Reste que sur le front politique, il ne connaît pas non plus de répit.
Depuis l’interdiction fin août d’une cérémonie de clôt
ure du congrès de la jeunesse de son parti sur une place de Tanger (nord), ses relations avec le ministre de l’Intérieur Mohand Laenser -qui n’est pas du PJD-, sont décrites comme difficiles, sur fond de lutte de pouvoir au sein et hors du gouvernement.
AFP