Le président malien par intérim Dioncounda Traoré a repris la main politiquement à Bamako en réduisant les pouvoirs de son Premier ministre, au moment où les premiers cas de mort par lapidation étaient signalés lundi dans le nord du pays occupé par les islamistes depuis quatre mois.
Dans un discours se voulant rassembleur, M. Traoré, rentré deux jours auparavant de Paris où il s’est fait soigner après une violente agression dans son bureau le 21 mai à Bamako, a estimé dimanche que son pays était engagé dans une « course contre la montre » et que l’heure était désormais « à l’union sacrée ».
Le même jour, un couple non marié a été lapidé à mort dans la localité d’Aguelhok (nord-est) devant une foule de quelque 200 à 300 personnes, ont rapporté deux élus locaux lundi à l’AFP.
Aguelhok est contrôlée par le groupe armé islamiste Ansar Dine (défenseurs de l’islam), allié d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dont plusieurs membres se trouvent aussi dans la région.
C’est le premier cas de mort par lapidation rapporté dans le nord du Mali où des couples illégitimes, des buveurs d’alcool, des fumeurs, ont été fouettés en public dans plusieurs villes, notamment à Tombouctou, également contrôlée par Ansar Dine et Aqmi, où des mausolées de saint musulmans ont aussi été détruits.
L’objectif d’Ansar Dine, ainsi que d’un autre groupe islamiste armé allié d’Aqmi, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) est d’imposer la charia (loi islamique) à tout le Mali.
our tenter de contrer ces groupes, le président Traoré a annoncé la création de nouveaux organes de la transition – mise en place en avril pour un an après le retrait du pouvoir de militaires auteurs d’un coup d’Etat le 22 mars – qui réduisent les pouvoirs de son Premier ministre Cheick Modibo Diarra.
Il en est ainsi du Haut conseil d’Etat (HCE) dont M. Traoré va prendre la direction assisté de deux vice-présidents, dont l’un sera chargé des questions de défense et de sécurité et de la gestion de la crise dans le nord.
M. Traoré a également indiqué qu’il se chargerait lui-même de former le gouvernement d’union nationale exigé par les voisins du Mali, membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Il a théoriquement jusqu’à mardi pour le former, mais la médiation burkinabè dans la crise malienne a indiqué qu’il pourrait demander un délai supplémentaire s’il le souhaitait.
« Un tournant »
La médiation a salué lundi la reprise en main du processus de transition par le président Traoré, et réaffirmé qu’un délai pour former son gouvernement d’union nationale devrait lui être accordé.
Selon Mamadou Diarra, sociologue malien s’exprimant au nom de la société civile, le discours du président par intérim, qui a eu « les mots qu’il faut », constitue « un tournant ». « Il est clair qu’avec le nouvel attelage, les pouvoirs du Premier ministre sont vraiment réduits », a-t-il dit.
Astrophysicien de renommée internationale, Cheick Modibo Diarra, entré en fonction le 24 avril, a été contesté par une grande partie de la classe politique malienne, en particulier le parti de Dioncounda Traoré, qui a exigé sa démission, dénonçant son « incompétence », son « amateurisme » et son manque de « stratégie » pour tenter de régler la crise dans le nord.
Il lui est reproché de ne pas avoir officiellement demandé l’intervention d’une force militaire ouest-africaine au Mali pour combattre les islamistes, mais également sa complaisance à l’égard du capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des putschistes ayant renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré (ATT).
Les hommes du capitaine Sanogo restent influents à Bamako où ils sont soupçonnés de commettre depuis trois mois et en toute impunité des exactions contre des proche d’ATT, militaires, hommes politiques, hommes d’affaires et journalistes.
Dans une interview à une télévision pri
vée malienne diffusée samedi, M. Diarra a déclaré qu’il n’avait nullement l’intention de démissionner.
Le nouveau gouvernement d’union nationale que va former M. Traoré doit avoir la légitimité suffisante pour pouvoir lancer, avec le soutien de la Cédéao, une contre-offensive dans le nord du pays.
Outre la demande officielle du Mali, la Cédéao veut un mandat de l’ONU pour intervenir, et va déposer une nouvelle demande de résolution auprès du Conseil de sécurité, a déclaré ce week-end le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao, qui estime une intervention « inévitable ».
AFP