Stella Nayiga tient fermement son portable, tout en décrivant les messages qu’elle recevait matin et soir pour lui rappeler de prendre ses anti-rétroviraux contre le sida.
« Les sms tombaient deux fois par jour et disent ce genre de chose : +Cher ami, s’il vous plaît, prenez soin de vous+, et quand vous les receviez vous saviez que vous deviez prendre vos médicaments, » explique la jeune femme de 28 ans.
« C’est humain d’oublier de prendre ses médicaments – peut être pas de sauter une journée mais d’être en retard de quelques heures – mais ce service aide vraiment à s’en souvenir, » poursuit-elle.
Stella Nayiga est travailleuse sanitaire à Kawempe dans la banlieue de Kampala et atteinte du sida. Elle a participé à un programme d’une ONG néerlandaise qui misait sur l’utilisation de portables pour rappeler à quelque 400 patients de prendre régulièrement leurs anti-rétroviraux.
« Nous avons noté que grâce aux messages envoyés sur les portables, il y avait une très forte augmentation de l’adhésion » des patients à leur traitement, explique Samuel Guma, directeur de la clinique partenaire du projet.
Les anti-rétroviraux se prennent deux fois par jour. Pour qu’ils soient réellement efficaces, il faut un taux d’adhésion minimum au traitement d’environ 95%. Le programme d’envoi des sms avait, expliquent les responsables, fait passer ce taux de 75% à plus de 90%.
Le fondateur de l’ONG néerlandaise Text to change (des sms pour changer) à l’origine du programme, Bas Hoefman, énumère les différentes façon d’utiliser les portables pour lutter contre le sida.
A l’origine il y a cinq ans, raconte-t-il, Text to change organisait des quizz par sms pour tenter de sensibiliser la population au problème du sida et les encourager à faire des tests. Des cadeaux étaient parfois à la clé, comme des crédits téléphoniques.
Depuis, l’organisation a mis sur pied plus de 30 projets en Afrique, l’un vise à inciter la population de Tanzanie à pratiquer la circoncision masculine. Rien qu’en Ouganda, l’ONG dit avoir touché jusqu’à un million de personnes.
« La population était d’une certaine façon lassée des vieux messages reçus via les médias traditionnels — les téléphones portables sont maintenant utilisés si communément, en particulier par les jeunes, que nous avons réalisé qu’il était temps de présenter l’information d’une nouvelle façon », raconte M. Hoefman.
Les sms d’alerte suspendus faute de financement
En Ouganda, les portables ont de multiples utilisations – certains s’en servent pour envoyer de l’argent à des proches, d’autres à payer leurs factures d’électricité. Plus de 40% de la population aurait désormais une ligne mobile.
Mais les programmes de Text to change dépendent encore largement de l’aide étrangère, notamment américaine, en baisse, et l’ONG commence à avoir des problèmes de financement: les sms d’alerte pour la prise d’anti-rétroviraux ont même pour l’instant été suspendus, Washington n’ayant pas reconduit son financement.
« L’expérience peut avoir l’air coûteuse, mais sur le long terme, elle est en fait très bon marché, » relève le directeur de la clinique M. Guma. « Si davantage de gens prennent leur médicaments régulièrement, il y a moins de risque de contagion et alors on peut voir une baisse des nouvelles infections ».
Mais si la technologie mobile peut s’avérer utile en Ouganda pour lutter contre la propagation du sida, elle ne doit pas masquer les défaillances des politiques du gouvernement, estiment des experts du secteur sanitaire.
Le pays a longtemps été félicité pour ses efforts en matière de lutte contre le sida, notamment en faveur de l’usage du préservatif. De 15% au début des années 90, la proportion de la population atteinte du sida est passée à quelque 6%.
Mais la tendance est de nouveau à la hausse, alors que le gouvernement, influencé notamment par les discours évangélistes américains, reviennent à des conseils comme l’abstinence.
« L’Ouganda traverse une cri
se, » estime Asia Russell, de Health Group, une organisation de lutte contre le sida active dans le pays. « Le plus important c’est un engagement clair, accompagné d’un plan national budgété, mis en application, pour mettre fin au sida en Ouganda à travers des services de prévention et de traitement considérablement augmentés ».
AFP