Le gouvernement ivoirien et l’ONU se sont rejeté samedi la responsabilité de protéger le camp de déplacés de l’ouest de la Côte d’Ivoire qui a subi vendredi une attaque meurtrière avant d’être détruit.
Le camp de Nahibly, abritant quelque 5.000 personnes déplacées lors de la crise de 2010-2011 et voisin de la ville de Duékoué, était « gardé depuis sa création par les Casques bleus de l’Onuci », la mission onusienne dans le pays, a affirmé le ministère ivoirien de la Défense dans un communiqué lu sur la télévision publique RTI.
En ce qui concerne la sécurité du camp, « la responsabilité première n’est pas la responsabilité de l’Onuci, mais nous avions toujours travaillé avec les autorités pour la gestion de ce camp », a déclaré de son côté un peu plus tôt devant la presse Arnauld Akodjénou, numéro 2 de l’Onuci.
Le « dispositif » de la force onusienne sur ce site était destiné, en accord avec le gouvernement, à sécuriser les acteurs humanitaires opérant auprès des déplacés et à « alerter » en cas de risques, a-t-il expliqué.
Entre 11 et 13 personnes, selon les bilans de l’ONU, du gouvernement et de sources locales, ont été tuées et 52 blessées, dont certaines grièvement, vendredi à Duékoué et dans le camp attaqué en représailles à une opération meurtrière dans un quartier de la ville. Dans le seul camp ont été dénombrés de sept à neuf morts.
Au moment de l’attaque, « totalement imprévisible », du camp par « une foule de plus de 300 personnes, dont certains éléments armés », « au portail se trouvaient une dizaine d’éléments de la force militaire de l’Onuci », qui n’ont « pu contenir » les assaillants, malgré la venue d' »une vingtaine de militaires onusiens » en renfort », selon M. Akodjénou.
– « Miliciens » pro-Gbagbo dans le camp –
« Ni le premier cordon de sécurité » établi en urgence par les forces ivoiriennes, « ni le deuxième constitué par le bataillon marocain de l’Onuci (présent au camp, ndlr) n’ont suffi pour arrêter » la foule, a assuré quant à lui le porte-parole du ministère de la Défense, le commandant Léon Kouakou Alla.
Il a annoncé l’organisation de « patrouilles mixtes » des Forces républicaines (FRCI, armée) et de l’Onuci dans la zone, l’ouverture d’une enquête judiciaire et fait état de la découverte dans le camp de deux kalachnikov, d’un « pistolet artisanal » et de munitions, dont des grenades.
Interrogé par téléphone par l’AFP, le ministre de la Défense, Paul Koffi Koffi, actuellement à Paris, a assuré qu' »il y avait des miliciens » fidèles à l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo qui se cachaient dans le camp et en sortaient pour commettre des exactions.
« On savait que tôt ou tard il y aurait un incident grave », a-t-il avancé.
Le gouvernement souhaitait depuis longtemps la fermeture du camp, surtout peuplé de Guéré, ethnie autochtone considérée comme pro-Gbagbo et dont les relations sont notoirement difficiles avec la communauté malinké, venue du nord du pays et réputée soutenir le président Alassane Ouattara.
Le Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio, qui a reçu samedi Arnauld Akodjénou, a lancé aux habitants de Duékoué « un appel au calme », a souligné le ministère de la Défense.
La vie a repris samedi à Duékoué, avec la réouverture des commerces et la reprise du trafic dans les rues, selon des résidents.
Un habitant a toutefois parlé d’un « calme précaire ». « Des jeunes du camp sont détenus par les FRCI », a-t-il dit.
L’ONU et les organisations humanitaires ont commencé à s’organiser pour trouver les déplacés dispersés en ville et dans la brousse et leur venir en aide.
En proie depuis des années à de graves tensions ethniques, l’Ouest reste la région la plus instable du pays plus d’un an après la fin de la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui avait fait quelque 3.000 morts, dont des centaines à Duékoué et dans sa région.
Après les
Etats-Unis et l’ONU, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a déploré samedi l’attaque contre le camp.
Pour elle, « cette dernière tragédie illustre l’instabilité chronique qui prévaut à l’ouest de la Côte d’Ivoire où les tensions intercommunautaires, l’insuffisance de la présence de l’Etat et l’impunité qui a prévalu jusqu’à présent alimentent un cycle interminable de représailles et vengeances ».
AFP