Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé mercredi un examen préliminaire sur la situation au Mali, préalable à l’ouverture d’une enquête demandée par Bamako sur des crimes commis par des groupes armés islamistes ou touareg dans le nord de ce pays.
Le procureur de CPI Fatou Bensouda a ordonné à ses services de mener un examen préliminaire de la situation au Mali afin de déterminer « si les critères (…) aux fins de l’ouverture d’une enquête sont remplis », a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Mme Bensouda a reçu mercredi après-midi à La Haye une délégation menée par le ministre malien de la Justice Malick Coulibaly qui lui a remis une lettre par laquelle Bamako défère à son bureau « la situation au Mali depuis le mois de janvier 2012 ».
Dans sa lettre de saisine, publiée par la CPI, le Mali affirme que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été commis dans le nord du pays.
Il s’agit, selon le document, d’exécutions sommaires de soldats de l’armée malienne, de viols, de massacres de civils, d’enrôlement d’enfants soldats, de tortures, de pillages, de disparitions forcées et de destructions de symboles de l’Etat (hôpitaux, tribunaux, mairies, écoles), d’églises, de mosquées et de mausolées.
Le Mali, qui affirme être « dans l’impossibilité de poursuivre ou de juger les auteurs » des crimes, a « produit des pièces à l’appui de sa demande », selon le communiqué.
Il s’agit d’un rapport d’une vingtaine de pages et d’annexes, a précisé à l’AFP Emeric Rogier, analyste principal au bureau du procureur.
« On va les utiliser, les croiser avec d’autres documents pour chercher à établir si des crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis », a-t-il expliqué : « il y a des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».
Mme Bensouda a indiqué dans le communiqué qu’elle prendrait une décision « à brève échéance » sur l’ouverture d’une enquête.
Un haut responsable du ministère malien de la Justice avait annoncé le 12 juillet que son pays allait saisir la CPI.
« Je suis satisfait de la décision du procureur », a commenté le ministre malien de la Justice à l’issue de sa rencontre avec Mme Bensouda. « C’est très important pour les victimes car elles savent maintenant qu’on ne les a pas oubliées, que leur Etat est là », a-t-il déclaré à l’AFP.
Après un coup d’Etat le 22 mars à Bamako (sud-ouest), l’ensemble du Nord du Mali était tombé aux mains des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et surtout des groupes islamistes Ansar Dine (Défenseurs de l’islam) et Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Les islamistes, qui ont chassé le 11 juillet le MNLA de son dernier bastion d’Ansogo, sont désormais maîtres de toutes les grandes villes du nord du pays.
Etat partie au Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, le Mali reconnaît la compétence de la Cour. C’est le cinquième pays africain, après l’Ouganda, la République démocratique du Congo, la Centrafrique et la Côte d’Ivoire à demander à la CPI d’enquêter sur des crimes commis sur son territoire.
Des autorités de transition sont en place au Mali depuis le retrait en avril de militaires auteurs du coup d’Etat contre le président Amadou Toumani Touré. Elles ont été impuissantes à empêcher l’emprise des groupes islamistes qui ont commencé à appliquer la charia (loi islamique) dans le nord du pays.
Premier tribunal pénal international permanent chargé de poursuivre les auteurs présumés de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la CPI n’intervient que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas engager de poursuites contre les auteurs présumés de ces crimes.
AFP