La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’est entretenue dimanche au Caire avec de hauts responsables militaires égyptiens, après avoir apporté son « soutien ferme » à la transition du pays vers la démocratie.
Cette visite intervient en pleine épreuve de force entre le nouveau président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, les militaires, à qui Hosni Moubarak avait remis le pouvoir lors de sa chute en 2011, et la justice, qui a annulé une partie des législatives de cet hiver, remportées par les islamistes.
Au lendemain de sa rencontre avec M. Morsi, premier président égyptien qui ne soit pas issu de l’armée, Mme Clinton a rencontré pendant un peu plus d’une heure le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA).
« Ils ont parlé de la transition politique et du dialogue en cours entre le CSFA et le président Morsi », a déclaré un responsable du département d’Etat.
Mme Clinton a appelé à plusieurs reprises au respect du résultat des élections. Samedi, elle avait précisé qu’elle évoquerait avec le maréchal Tantaoui la nécessité de travailler à ce que les militaires reviennent à un rôle limité à la « sécurité nationale ».
Armée et président sont à couteaux tirés depuis que le CSFA s’est attribué le pouvoir législatif à la mi-juin, après que la Haute cour constitutionnelle (HCC) a invalidé l’Assemblée en raison d’une irrégularité dans la loi électorale.
Choisissant ses mots avec prudence dans ce contexte tendu, Mme Clinton a indiqué samedi qu’il était « très clair que les Egyptiens se trouvaient au milieu de négociations complexes à propos de la transition », en particulier autour du Parlement, de la future Constitution et des pouvoirs du président.
« L’Egypte ne tombera pas. Elle appartient à tous les Egyptiens et non pas à un seul groupe », a dit plus tard le maréchal Tantaoui, cité par l’agence officielle Mena dans une allusion aux Frères musulmans, rivaux historiques des militaires qui dominent le système depuis la chute de la monarchie en 1952.
« Dialogue et compromis »
« La démocratie est difficile (…). Elle requiert dialogue et compromis », a-t-elle insisté. « Nous voulons aider. Mais nous savons que ce n’est pas aux Etats-Unis mais au peuple égyptien de décider ».
Les Etats-Unis, dont M. Moubarak était un allié clé dans la région, soutiennent la transition vers un pouvoir civil, a-t-elle rappelé, tout en louant le rôle des militaires pendant la révolution.
Contrairement à l’armée en Syrie « qui tue son propre peuple », « le CSFA ici a protégé la nation égyptienne » pendant la révolution et a supervisé des élections libres, a-t-elle ajouté.
Dimanche, Mme Clinton a également discuté de l’aide américaine à l’économie égyptienne en berne, et le maréchal Tantaoui a souligné que « remettre leur économie sur les rails » était « ce dont les Egyptiens avaient le plus besoin maintenant », selon le responsable du département d’Etat.
L’aide comprend 250 millions de dollars de prêts pour les PME, de même que la mise en place d’un fonds américano-égyptien de 60 millions de dollars pour les entreprises. Mme Clinton a d’ailleurs rencontré l’équipe d’un « incubateur d’entreprises », qui soutient les petits entrepreneurs.
Mme Clinton s’est par ailleurs entretenue avec des représentants de la communauté copte qui représente 6 à 10% de population.
La victoire des islamistes aux législatives et à la présidentielle suscite des craintes parmi les membres de cette communauté chrétienne, qui se disait déjà victime de discrimination sous l’ancien régime.
« Je suis venue au Caire en partie pour adresser un message clair: les Etats-Unis appuient les droits universels de tous les peuples et ici en Egypte, nous sommes engagés à protéger et à faire progresser les droits de tous les Egyptiens: homme, femme, musulman et chrétien », a-t-elle dit.
Lors de sa visite à Alexandrie, pour visiter le consulat des Etats-Unis à l’occasion de sa réouverture, des manifestants ont lancé des projectiles dimanche sur le convoi de Mme Clinton.
Les manifestants scandaient en outre « Monica, Monica », en référence au scandale sexuel Monica Lewinsky qui avait éclaboussé à la fin des années 90 son mari Bill Clinton quand il était président des Etats-Unis. Ils ont lancé des tomates, des chaussures et des bouteilles d’eau à l’arrivée, sous protection policière, du convoi de Mme Clinton
« Je veux être claire sur le fait que les Etats-Unis ne sont pas impliqués, en Egypte, dans le choix de gagnants ou de perdants, même si nous le pouvions, ce que, bien sûr, nous ne pouvons pas », a indiqué Mme Clinton dans un discours au consulat.
AFP