Le président tunisien Moncef Marzouki a assuré dans un entretien à l’AFP que son pays n’était pas menacé par un islamisme extrémiste, soulignant par ailleurs que le pouvoir n’était pas tenu par les seuls islamistes d’Ennahda mais partagé avec des partis de centre-gauche.
M. Marzouki, qui se rend en France du 17 au 19 juillet, a souligné que cette visite visait à « effacer » des tensions, la France ayant eu une attitude équivoque lors de la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Ben Ali.
Avec l’arrivée à la présidence de François Hollande, « l’atmosphère psychologique est nettement meilleure », a-t-il dit.
Concernant le danger d’un islamisme extrémiste en Tunisie, il a jugé que le salafisme était « une nuisance, mais ce n’est pas une force de nuisance capable de mettre en danger la république ».
« Quand les salafistes ont voulu mettre un peu le feu aux poudres en prétextant une insulte à la religion, en fin de compte ils ont reculé car ils ont compris que l’ensemble des forces sécuritaires sont absolument déterminées à frapper un grand coup », a-t-il dit.
M. Marzouki, opposant historique à Ben Ali ayant vécu en France, faisait référence à l’attaque d’une exposition d’art en juin provoquant des débordements et un couvre-feu.
Selon lui, il s’agit avant tout de jeunes de « la frange la plus pauvre » de la société et « c’est la misère sordide qui crée de tels comportements ».
Il a aussi tenu à marteler que la Tunisie n’était pas dirigée par les islamistes d’Ennahda, parti majoritaire allié à deux mouvements de centre-gauche, le Congrès pour la République (CPR) du chef de l’Etat et Ettakatol.
« L’affirmation que la Tunisie est gouvernée par des islamistes est une aberration. La Tunisie est gouvernée par une coalition (…) où les partenaires laïques ont autant de poids que le partenaire islamiste », a-t-il assuré.
« Ennahda, ce sont des gens que nous avons d’une certaine façon convertis, entre guillemets, à la démocratie dans les années 1980 et 1990 », a-t-il expliqué, y voyant un équivalent d’un « parti chrétien-démocrate en Europe ».
De nombreux analystes considèrent cette coalition comme inégale et dominée par Ennahda, et l’opposition craint une dérive hégémonique islamiste bien que ce parti multiplie les assurances sur son caractère républicain.
Le président a martelé ne pas avoir « vendu (son) âme au diable », saluant une « expérience unique dans le monde arabe » pour « éviter la confrontation idéologique ».
Il a souligné qu’Ennahda s’était ré-engagé au respect des droits de l’Homme, de la femme et des libertés après la crise politique provoquée fin juin par l’extradition, sur ordre du chef du gouvernement, l’islamiste Hamadi Jebali, sans l’aval de la présidence, de l’ex-Premier ministre libyen al-Baghdadi al-Mahmoudi.
« Cette coalition a failli exploser justement parce qu’il y a eu manquement à l’un des accords principaux: on ne touche pas aux droits de l’Homme », a-t-il dit, affirmant avoir mis sa « démission en jeu ».
« J’ai reçu toutes sortes de garanties de la part d’Ennahda et du Premier ministre », a encore assuré M. Marzouki.
Par ailleurs, au moment où le gouvernement est accusé de vouloir contrôler les médias, le président a balayé ces reproches, y voyant « une preuve de mauvaise foi extraordinaire ».
« Jamais de toute l’histoire de la Tunisie, la presse n’a été aussi libre », a-t-il dit, le gouvernement est « en permanence attaqué, vilipendé ».
Ces critiques sont la preuve que la « Tunisie est un vrai pays démocratique » et même les insultes envers M. Marzouki, nombreuses sur internet notamment, sont « un signe de bonne santé ».
« Même si les caricatures sont parfois injustes (…) je me réjouis d’être caricaturé car cela montre que nous ne sommes plus en dictature », a-t-il dit.
Enfin, sur le plan institutionnel, le président s’est dit sûr qu’un compromis sur la future Constitution serait trouvé pour que des élections aient lieu au printemps 2013, alors que Ennahda insiste sur un pa
rlementarisme pur et que ses alliés veulent un régime mixte.
« Ennahda fonctionne dans le consensus (…) j’imagine que la sagesse politique leur commandera de négocier un régime qui sera semi-parlementaire, semi-présidentiel », a-t-il dit.
AFP