Les voisins ouest-africains du Mali veulent renforcer les autorités de transition à Bamako, impuissantes face aux activités des groupes islamistes armés qui contrôlent le nord du pays où ils commettent de nombreuses exactions, dont la destruction de sites religieux à Tombouctou.
Depuis un coup d’Etat qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, les autorités de transition mises en place après le retrait des militaires n’ont pas pu empêcher la fulgurante progression dans le Nord des groupes islamistes alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Ces groupes, Ansar Dine (Défenseur de l’islam) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), contrôlent désormais avec Aqmi les trois grandes agglomérations et régions administratives formant le vaste Nord: Tombouctou (nord-ouest), Gao (nord-est) et Kidal (extrême nord-est).
Ils en ont évincé la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui avait lancé avec eux l’offensive dans le Nord en janvier.
De nombreuses exactions sont, depuis, commises dans cette région aride où l’administration centrale a disparu, de même que l’armée, humiliée, démoralisée et sous-équipée.
La destruction par Ansar Dine ces trois derniers jours de sept des seize mausolées de saints musulmans et de la porte sacrée d’une mosquée du XVème siècle à Tombouctou, ancien centre culturel et intellectuel d’Afrique sahélienne, ont choqué au Mali et dans le monde.
L’Unesco, qui a classé Tombouctou au patrimoine mondial, a « vigoureusement » condamné mardi la destruction de ces sites historiques musulmans, appelant à mettre fin à ces « actes répugnants ». Le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), coalition malienne anti-putsch, a aussi dénoncé ces démolitions dans un communiqué diffusé mardi.
Mais rien ne semble pouvoir mettre un terme à la suprématie islamiste et, face à l’impuissance de Bamako, les pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) organiseront samedi un « mini-sommet » à Ouagadougou, avec des représentants du Mali, pour arriver à y former un gouvernement fort.
« Gouvernement de large consensus »
« Il nous faut envisager d’aller vers un gouvernement de large consensus (…) qui sera à même de mieux gérer les défis que connaît le Mali », a déclaré lundi le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé, dont le pays assure une médiation dans la crise malienne.
« Nous voulons que les Maliens organisent une espèce d’union sacrée autour des grands objectifs à atteindre », en particulier « la gestion de la crise du Nord », a-t-il ajouté.
La Cédéao est disposée à envoyer une force militaire au Mali, mais attend pour cela un feu vert des autorités maliennes et de l’ONU.
La France, ex-puissance coloniale, est déterminée à « empêcher des groupes comme Aqmi » de constituer « des bastions du terrorisme international » dans le nord du Mali, a déclaré le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault.
Son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait auparavant dit avoir « bon espoir » de voir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée rapidement pour soutenir le déploiement d’une force ouest-africaine.
Selon le président guinéen Alpha Condé, en visite à Paris, « un gouvernement d’union nationale aura la légitimité pour demander l’intervention des troupes africaines au Nord. On ne peut pas résoudre le problème du Nord si on ne résout pas d’abord le problème de Bamako ».
Il a cependant exclu que les Africains fassent « la guerre » aux rebelles touareg du MNLA, indépendantistes et laïcs, souvent considérés comme un rempart face aux islamistes qui veulent imposer la charia (loi islamique) à tout le Mali.
A Alger, le ministre malien des Affaires étrangères, Sadio Lamine Sow, a déclaré à l’AFP que son pays fera « tout pour récupérer (son) territoire ». Il a reconnu que le commandement de l’armée avait été « perturbé », mais, a-t-il affirmé, « c’est une armée qui se remet debout et qui fera son devoir ».
Les islamistes se préparent eux aussi à une éventuelle intervention ouest-africaine et ont miné les alentours de Gao pour l’empêcher, ainsi qu’une contre-offensive du MNLA éjecté de la ville le 27 juin après de violents combats avec le Mujao qui ont fait au moins 35 morts.
« Nous avons posé des engins militaires qui défendent la ville d’attaques. Notre ennemi, c’est aussi tous les pays qui vont envoyer des combattants ici », a déclaré à l’AFP Abou Walid Sahraoui, un porte-parole du Mujao, joint à Gao.
Il a dans le même temps annoncé qu’en signe de bonne volonté, son groupe avait libéré 25 rebelles touareg faits prisonniers pendant les combats de Gao.
A Tombouctou, les destructions de mausolées ou de mosquées n’avaient pas repris mardi matin.
AFP