Le réacteur 3 de la centrale d’Ohi à l’ouest du Japon a été relancé dimanche soir malgré l’opposition de citoyens traumatisés, marquant le premier redémarrage réel depuis le désastre atomique de Fukushima en mars 2011 et la fin d’une brève période sans énergie nucléaire.
En dépit d’une opinion publique très divisée et de manifestations récurrentes, Kansai Electric Power a remis en marche ce réacteur vers 21H00 locale (12H00 GMT), selon plusieurs médias japonais.
La réaction en chaîne devrait être confirmée lundi matin et la production d’électricité débuter mercredi 4.
La compagnie avait reçu le 16 juin l’aval des autorités locales et du Premier ministre pour remettre en service les réacteurs 3 et 4 d’Ohi (ou Oi). Elle avait immédiatement commencé les préparatifs.
La municipalité d’Ohi, la préfecture de Fukui (province où se trouve le réacteur) et le gouvernement central ont jugé que ces réacteurs pouvaient être remis en exploitation en toute sécurité sur la foi de tests de résistance validés par les instances de contrôle, même si des sismologues ont lancé des mises en garde et que les travaux de renforcement contre les séismes et tsunamis ne seront achevés que dans trois ans.
« Ma responsabilité est de protéger les citoyens », a reconnu le Premier ministre, Yoshiko Noda, promettant de « tout faire pour qu’un accident tel que celui de Fukushima ne se reproduise pas », même en cas de nouvelle catastrophe naturelle. Mais il a simultanément insisté sur le fait que « l’énergie nucléaire est une source d’électricité cruciale ».
Kansai Electric Power, qui totalise 11 réacteurs, dont dix restent encore arrêtés, estime que la relance des tranches 3 puis ultérieurement 4 d’Ohi lui permettra de réduire à moins de 10% voire presque annuler le déficit de production qui aurait été de près de 15% sans eux au moment des pics estivaux.
La décision finale a de fait été prise en fonction de considérations essentiellement économiques, l’absence d’énergie nucléaire obligeant à des restrictions de consommation jugées pénalisantes pour les entreprises.
Sans compter que la nécessité d’importer davantage de pétrole et de gaz naturel pour faire carburer à plein régime les centrales thermiques réduit l’indépendance énergétique de l’archipel et gonfle la facture d’achat de marchandises à l’étranger, engendrant de colossaux déficits commerciaux.
« Je voudrais que disparaisse un gouvernement qui place l’économie devant la sécurité des citoyens », s’est agacé à maintes reprises l’écrivain et journaliste Satoshi Kamata, meneur de l’opposition à l’usage de l’atome.
La réactivation du réacteur 3 est le premier cas de relance réelle d’une unité atomique au Japon depuis l’accident de Fukushima provoqué par le tremblement de terre et le raz-de-marée qui ont ravagé le littoral du nord-est le 11 mars 2011.
Par la suite, l’ensemble des 50 réacteurs nucléaires de l’archipel avaient été maintenus à l’arrêt et seules les unités 3 et 4 d’Ohi ont pour le moment été autorisées à reprendre du service après avoir franchi les examens techniques et obstacles politiques.
Une unité à Tomari (nord) avait certes gagné en août dernier le droit de repasser en mode d’exploitation commerciale, mais il ne s’agissait pas d’un redémarrage à proprement parler. Tomari 3 était alors en phase de test, prolongé plusieurs mois à cause du désastre nucléaire. Unique réacteur encore en service début mai, il a de nouveau été arrêté le 5 du même mois pour maintenance.
La remise en exploitation du réacteur 3 d’Ohi, en attendant le 4 dans quelques jours, met ainsi fin à près de deux mois d’absence totale d’énergie nucléaire au Japon, une situation que nombre de citoyens auraient voulu définitive.
Outre une pétition qui a recueilli pour l’heure plus de 7,5 millions de signatures, ces deux derniers vendredis des dizaines de milliers de Japonais ont manifesté leur opposition aux centrales nucléaires en se rassemblant devant la résidence du Premier ministre à Tokyo.
« Je suis mère d’un jeune enfant et enceinte du deuxième, je voudrais qu’ils puissent grandir dans un environnement sûr », témoignait vendredi une des manifestantes.
Depuis trois jours, aux mêmes cris de « saikado hantai ! » (« non au redémarrage ! »), des centaines d’opposants farouches bloquent l’accès à la centrale d’Ohi pour tenter d’empêcher la remise en service, soutenus par divers rassemblements ailleurs dans l’archipel.
Tous craignent que le premier cas d’Ohi n’entraîne la relance de nombre d’autres réacteurs dans le pays. Ils considèrent que les structures ne sont pas en place pour empêcher les accidents alors que tous les réacteurs nippons sont situés en bord de mer et en zone sismique.
AFP