Des islamistes d’Ansar Dine, un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, ont démoli samedi des mausolées de saints musulmans dans la ville mythique de Tombouctou, classée patrimoine mondial en péril, et Bamako a dénoncé « la furie destructrice » de ces actes assimilables « à des crimes de guerre ».
Armés de pioches, houes et burins, des islamistes d’Ansar Dine, qui veulent appliquer la charia (loi islamique) dans tout le Mali, ont détruit trois mausolées à Tombouctou en quelques heures seulement: celui de Sidi Mahmoud (nord de la ville), Sidi Moctar (nord-est) et Alpha Moya (est), en scandant « Allah Akbar », selon plusieurs témoins joints par l’AFP à Tombouctou.
Ces islamistes ont affirmé agir en représailles à la décision prise jeudi par l’Unesco de classer Tombouctou au patrimoine mondial en péril, souhaitant ainsi alerter la communauté internationale sur les dangers pesant sur cette cité aux mains des islamistes depuis fin mars.
« Ansar Dine va détruire aujourd’hui tous les mausolées de la ville. Tous les mausolées sans exception », a déclaré à travers un interprète Sanda Ould Boumama, porte-parole d’Ansar Dine à Tombouctou joint par l’AFP depuis Bamako.
Les destructions de mausolées sont une réponse à la décision prise par l’Unesco, a déclaré le porte-parole d’Ansar Dine interrogé par l’AFP.
« Dieu, il est unique. Tout ça, c’est +haram+ (interdit en islam). Nous, nous sommes musulmans. L’Unesco, c’est quoi? », a-t-il dit, ajoutant que Ansar Dine réagissait « au nom de Dieu ».
Tôt samedi matin, « une équipe d’une trentaine de combattants d’Ansar Dine se sont dirigés vers le mausolée de Sidi Mahmoud » qu’ils ont encerclé », a expliqué un de ces témoins, travaillant pour un média local, qui a assisté à l’opération.
« Certains avaient des armes. Ils n’ont pas tiré. Alors, ils ont commencé par crier: +Allah akbar!, Allah akbar+ (Dieu est grand! Dieu est grand!) et avec des pioches et des houes, ils ont commencé par casser le mausolée. Quand un grand bloc du mausolée est tombé sur la tombe, ils ont commencé par crier encore +Allah Akbar!+ et après, ils sont allés vers un autre mausolée », a ajouté cet homme sous couvert d’anonymat.
Un autre témoin a affirmé avoir vu des islamistes se servant de divers objets dont un burin. Selon lui, les islamistes étaient déterminés, ils « cassaient sans peur les mausolées », construits en terre sèche et de couleur ôcre, symboles d’une architecture unique qui fascinaient les visiteurs.
« Furie destructrice »
La France a condamné samedi « la destruction délibérée de mausolées de saints musulmans », et appelé à la « fin de ces violences ».
A Bamako, le gouvernement a dénoncé « la furie destructrice assimilable à des crimes de guerre » du groupe islamiste armé Ansar Dine et menacé les auteurs de ces destructions de poursuites au Mali et à l’étranger.
Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg, et surnommée notamment « la cité des 333 saints », Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l’islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes.
Tombouctou compte 16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers.
La ville est également célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au XIIe siècle, et d’autres de l’ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart détenus comme des trésors par les grandes familles de la ville.
« Nous venons juste d’apprendre la nouvelle tragique des dégâts sans raison causés au mausolée de Sidi Mahmoud, dans le nord du Mali », a déclaré Alissandra Cummins, présidente de l’Unesco, dans un communiqué à l’AFP, appelant toutes les parties impliquées dans le conflit à Tombouctou à « exercer leurs responsabilités ».
L’Unesco a par ailleurs demandé à l’Union africaine et à la communauté internationale de faire « tout leur possible pour aider à protéger Tombouctou et le Tombeau des Askia » à Gao (autre ville du nord malien), spectaculaire structure pyramidale datant du XVème siècle.
En plus de Tombouctou, Gao et Kidal (nord-est), les trois régions formant le Nord, sont sous le contrôle des islamistes de divers groupes armés qui ont profité de la confusion créée à Bamako par un coup d’Etat militaire le 22 mars.
La démolition des mausolées de Tombouctou par les islamistes rappelle le sort d’autres ouvrages du patrimoine mondial, dont les Bouddhas de Bamyan, dans le centre de l’Afghanistan, détruits en mars 2001 par les talibans et leurs alliés d’Al-Qaïda.
En Afrique de l’Est, les islamistes somaliens shebab ont détruit de nombreux mausolées de mystiques soufis dont la mémoire était vénérée par les populations locales.
AFP