Née à Paris il y a 57 ans, Laurence Gavron est la première « Toubab » (Blanche) ayant obtenu la nationalité sénégalaise à être en lice pour un siège de député au Sénégal, où réside depuis dix ans cette cinéaste, écrivain et photographe.
« Je suis une Sénégalaise d’origine française, +issue de la diversité+ comme on dit en France », déclare à l’AFP cette femme rousse, assise dans la cour de son domicile dakarois au jardin luxuriant où se côtoient vigne, arbre du voyageur et plantes à fleurs.
« Si tous les gens qui ont dit qu’ils voteraient pour moi votent vraiment pour moi, c’est sûr, je serai élue » dimanche, jour des législatives.
Cela ferait d’elle la première Occidentale naturalisée sénégalaise à siéger au parlement. Le Sénégal a déjà eu un « Toubab » député: Jean-Baptiste Collin, Français naturalisé sénégalais en 1961.
« Laurence est une Sénégalaise à part entière, même si elle de couleur blanche, elle a sa place dans nos listes », affirme El Hadji Sarr, un des responsables du Parti pour l’émergence citoyenne Tekki (gauche) qui l’a investie.
Ce parti, qui compte une seule femme à l’Assemblée nationale sortante (150 élus), est dirigée par un ingénieur économiste, Mamadou Lamine Diallo, dont la cinéaste partage les valeurs: compétence, éthique, équité, bonne gouvernance, transparence, participation citoyenne.
« J’ai toujours une sensibilité de gauche. Je suis incapable de voter à droite, c’est quelque chose que je n’ai jamais fait », précise-t-elle.
L’investiture de Tekki « est une sorte d’engagement » pour le Sénégal, « un pays qui m’a beaucoup inspirée, qui m’a beaucoup donné », dit-elle, en reconnaissant aussi profiter de la loi sur la parité.
Adoptée en 2010 durant la présidence d’Abdoulaye Wade, cette loi instaure la parité absolue homme-femme dans toutes les institutions électives et sera appliquée pour la première fois aux législatives de dimanche.
« C’est quelque chose de très bien, surtout au Sénégal où il y a encore beaucoup d’injustices faites aux femmes » et « c’est important de commencer par là, en politique », estime Laurence Gavron.
« Je suis tombée amoureuse de ce pays
Avant le Sénégal, elle dit avoir eu « une première vie très cinéphile »: maîtrise de Lettres modernes spécialisation Cinéma en 1976, journalisme de cinéma, réalisation pour la télévision puis le cinéma, mariage avec un caméraman allemand qui décède alors qu’elle a 32 ans et attend son second enfant.
« La première fois que j’ai posé mon pied sur la terre sénégalaise, c’était il y a 25 ans. Je suis tombée amoureuse de ce pays », poursuit Laurence Gavron, juive, qui a été mariée à un Sénégalais, parle couramment le wolof, se « débrouille » en peul, deux des langues de ce pays à forte majorité musulmane.
Elle a fait des films sur plusieurs personnalités sénégalaises dont le cinéaste Djibril Diop Mambéty, des livres avec le Sénégal pour décor, dont « Boy Dakar ». Installée à Dakar depuis 2002, elle obtient la nationalité sénégalaise en 2007.
Elle est célèbre dans les milieux culturels sénégalais. Le poète Thierno Seydou Sall, est prêt à voter pour elle, car elle « est pour que les choses bougent ».
Comme députée, Laurence Gavron compte défendre la politique culturelle, la promotion des langues nationales, la lutte contre « toutes les injustices, les choses affreuses faites au nom parfois de la religion ou de la tradition (…): excisions, mariages forcés avec les petites filles, exploitation d’enfants ».
Quelles sont ses chances?
« Je ne suis pas sûre d’être élue cette fois. Mais peut-être en 2017… », répond la candidate. Elle est en 28e position sur la liste nationale de Tekki, qui fait face à 23 autres partis et coalitions politiques plus anciens ou mieux implantés dans le pays.
AFP